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Physiopathologie
:
La physiopathologie
de la maladie de Ménière est encore imprécise, en dépit de nombreux travaux
expérimentaux qu’il n’est pas possible de rapporter ici de façon exhaustive.
Nous nous
limiterons à n’exposer que les plus marquants d’entre eux, en différenciant les
études histopathologiques humaines (d’après autopsie) et les modèles
expérimentaux.
Mais auparavant, un
bref rappel anatomique s’impose.
A - RAPPEL
ANATOMIQUE :
L’aqueduc du
vestibule est un canal osseux très étroit (0,5 mm de diamètre sur la plus
grande partie de son trajet), qui s’étend du vestibule à la cavité crânienne.
Il débute sur la
paroi médiale du vestibule, à l’extrémité supérieure de la gouttière sulciforme,
audessous et en avant de l’orifice non ampullaire des canaux semicirculaires
supérieur et postérieur.
De là, il se dirige
en arrière, médialement et en bas, en décrivant une courbe à concavité
inférolatérale, pour aller s’ouvrir sur la paroi postérosupérieure du rocher,
au niveau de la fossette unguéale, 1 cm environ en arrière du pore du méat
acoustique interne.
Le canal
endolymphatique naît de l’union de deux fins canalicules, qui se détachent des
parois médiales de l’utricule et du saccule.
Ce canal s’engage
dans l’aqueduc du vestibule et se termine sous la dure-mère de l’angle
pontocérebélleux, au niveau de la fossette unguéale, par un renflement, le sac
endolymphatique.
L’importance de la
vascularisation de cette région est probablement due à de possibles et nombreux
échanges liquidiens.
B - ÉTUDES
HISTOPATHOLOGIQUES HUMAINES :
1- Hydrops
endolymphatique :
Le premier pas vers
la compréhension de la pathologie de la maladie de Ménière fut la constatation
histologique d’un hydrops endolymphatique par Hallpike et Cairns en 1938.
Ces auteurs
décrivirent, sur des rochers de patients décédés des suites de neurectomies
vestibulaires, l’existence d’une distension du labyrinthe membraneux, que les
auteurs anglais appelèrent « hydrops endolymphatique ».
Rauch, en 1989,
constata, lors d’une étude en double aveugle portant sur l’histoire clinique et
sur l’étude histopathologique de l’os temporal chez 119 patients, que les 13
patients ayant présenté une maladie de Ménière clinique étaient porteurs d’un hydrops
endolymphatique ; en revanche, six des 106 patients témoins, qui n’avaient pas
présenté de symptomatologie clinique, étaient eux aussi porteurs d’un hydrops
endolymphatique.
Ces constatations
placent l’hydrops au coeur de la pathogénie.
Cet hydrops est
constamment observé dans le canal cochléaire, où il se traduit par une
déformation de la membrane vestibulaire, qui, selon le stade de l’affection,
peut être localisée ou généralisée.
Il débute
pratiquement toujours à l’apex puis s’étend au reste de la cochlée.
La membrane
vestibulaire se distend progressivement et, dans les stades évolués, peut
combler la totalité de la rampe vestibulaire et s’engager au travers de
l’hélicotréma dans la rampe tympanique.
À la base, le cæcum
vestibulaire du canal cochléaire distendu saillit dans le vestibule.
L’importance de
l’hydrops semble corrélée à celle de la surdité : au-dessous de 70 dB de perte,
il reste modéré et prédomine à l’apex, ce qui rend probablement compte de
l’atteinte initiale des fréquences graves ; au-dessus de 70 dB de perte, il
apparaît important et prédomine à la base.
L’hydrops est
également retrouvé dans le saccule.
Ce dernier, une
fois dilaté, vient au contact de l’utricule, des canaux semi-circulaires et de
la base du stapes (platine de l’étrier), sur laquelle il se moule dans près de
60 % des cas, et avec laquelle il développe parfois des adhérences, dont nous
reverrons plus loin les incidences cliniques.
L’utricule et les
canaux semi-circulaires sont touchés de façon inconstante par le processus
hydropique. Peut-être est-ce dû à la valvule utriculo-endolymphatique qui
protège longtemps la pars superior de l’hydrops né en aval.
2- Ruptures,
fistules et collapsus :
Des ruptures du
labyrinthe membraneux ont été notées selon des fréquences variables, en toutes
parts du labyrinthe, à l’exception de l’utricule et du saccule.
Antoli-Candela en a
distingué deux types :
– le type I n’est
observé que dans le labyrinthe cochléaire et la partie inférieure du labyrinthe
postérieur, c’est-à-dire là où les parois membraneuses sont les plus fines, et
donc les plus susceptibles d’artefacts de préparation histologique.
Les berges n’en
paraissent en effet pas remaniées, et ne présentent pas d’altération des
structures neurosensorielles de voisinage ;
– le type II, en
revanche, paraît correspondre à des ruptures vraies ante mortem, survenant au
point de distension maximum, et caractérisées sur leurs berges par des signes
d’atrophie ou plus volontiers de cicatrisation hypertrophique.
Parfois, le defect est
obturé par un fin voile unicellulaire.
Ailleurs, ce type
de rupture conduit à une fistule organisée et permanente entre espaces endo- et
périlymphatiques, voire entre structures endolymphatiques ellesmêmes, avec
fréquemment un collapsus des parois ou structures voisines.
Cependant, ces
ruptures n’ont pas été retrouvées par tous les auteurs, ce qui remet en
question cette théorie et fournit un argument de poids contre la théorie de
l’intoxication potassique, que nous reverrons plus loin.
3- Lésions
fibreuses :
Dans de nombreux
cas, une prolifération de tissu fibreux est observée à l’intérieur du
labyrinthe, entre membrane vestibulaire et endoste cochléaire de la rampe
vestibulaire, ou entre membranes vestibulaires et parois du vestibule osseux.
Des bandes fibreuses
cloisonnent ainsi la cavité labyrinthique, amarrant notamment la base du stapes
aux structures vestibulaires profondes.
4- Organes
sensoriels :
L’organe spiral (ou
de Corti) et les ampoules et macules vestibulaires ne présentent pas de lésions
significatives. Les altérations observées à leur niveau paraissent
indépendantes du processus méniérique, et plutôt en rapport avec l’âge.
Dans l’organe de
Corti peuvent être observées une perte de cellules ciliées, une atrophie des
cellules de soutien, une distension ou une atrophie de la membrane tectoriale.
Ces diverses
lésions prédominent à l’apex, et s’accompagnent parfois d’une perte des
neurones correspondants.
Le ganglion spiral
ne présente pas d’anomalies notables.
Dans le vestibule,
les crêtes sont refoulées par les parois vestibulaires distendues, ce qui en
altère le mouvement .
Les macules
otolithiques utriculaires et sacculaires sont parfois disloquées, mais il est
très rare d’observer une atteinte des fibres nerveuses vestibulaires.
5- Strie vasculaire
et tissus sécrétoires :
Bien que dans leur
description princeps, Hallpike et Cairns aient signalé une dégénérescence de la
strie vasculaire, celle-ci n’a pas été confirmée dans les travaux ultérieurs.
Les zones
d’atrophie éventuellement observées paraissent, comme pour les structures
sensorielles, pouvoir s’expliquer par un banal processus de vieillissement.
En revanche, des
formations papillaires choroïdiennes ont été décrites dans le ductus reuniens.
De telles
structures sont caractéristiques des tissus engagés dans les phénomènes de
transport et de production liquidiens.
6- Sac
endolymphatique :
De très nombreux
travaux histologiques lui ont été consacrés, dans la mesure où il apparaît
comme le site électif de réabsorption de l’endolymphe.
Les auteurs ayant
travaillé sur ce sujet se sont attachés à décrire les modifications, soit du
sac lui-même, soit de l’aqueduc du vestibule.
La fibrose
périsacculaire et la disparition du tissu conjonctif sousépithélial paraissent
constituer le stigmate histopathologique le plus constant, mais leur valeur
pathologique est encore discutée.
Déjà constatées par
Hallpike et Cairns en 1938, elles ont été retrouvées par de nombreux auteurs.
Une atteinte
dégénérative avec de l’épithélium du sac avec fibrose et adhérences
intraluminales identiques à celles observées après infection virale, a
également été rapportée.
D’autres auteurs
ont retrouvé des signes évocateurs d’ischémie : une diminution nette de
l’apport vasculaire serait possible.
Cela corrobore le
travail de Shambaugh et Clémis qui, dans les années 1960, constatèrent en
peropératoire une ischémie du sac et une obstruction intraluminale de l’aqueduc
du vestibule, bientôt appuyées par des observations radiologiques.
Enfin, de façon
contingente ont été rapportées des lésions peut-être susceptibles de générer un
hydrops, mais ne pouvant rendre compte de la maladie de Ménière : agénésie ou
atrophie du sac, obstruction ou oblitération du canal endolymphatique par un
ostéome ou une exostose, voire une réaction péritumorale.
En 1982, Kodama et
Sando ont étudié la morphologie de l’aqueduc du vestibule et du sac
endolymphatique, sur 79 rochers humains, sans maladie de Ménière préalablement
connue.
Ils observèrent 17
hypoplasies de ces deux structures (21,5 %), 38 normoplasies (48,1 %) et 24
hyperplasies (30,4 %).
En 1984, Sando et
Ikeda étudièrent les rochers de 27 sujets porteurs d’une maladie de Ménière ;
16 d’entre eux étaient hypoplasiques, soit 59,3 %.
Comme nous l’avons
déjà signalé dans le chapitre traitant de l’imagerie, des coupes
scanographiques du rocher ont montré une hypoplasie de la région
rétrolabyrinthique chez les patients porteurs d’une maladie de Ménière.
En 1997, Takeda et
al ont montré, par le biais de mesures scanographiques, que les patients
porteurs d’une maladie de Ménière présentaient un aqueduc du vestibule
hypoplasique et avec un orifice externe étroit.
Depuis quelques
années, l’IRM, qui a permis de visualiser le canal et le sac endolymphatiques,
a montré qu’ils étaient moins souvent visualisés chez les patients présentant
une maladie de Ménière que chez les sujets indemnes.
Cette constatation
radiologique a même été confirmée après exploration chirurgicale, dans une
série de 41 patients.
Cependant, toutes
ces lésions ne sont ni constantes, ni spécifiques.
La « fibrose
périsacculaire » observée pourrait ne résulter que des techniques de coupe
employées.
7- Lésions
vasculaires :
Outre l’ischémie
périsacculaire déjà signalée, l’absence congénitale de la veine satellite de
l’aqueduc du vestibule a été rapportée, associée au développement d’une
circulation de drainage collatérale.
Or, ce système
veineux assure le drainage de la partie non sensorielle du vestibule et tout
particulièrement des cellules sombres, qui contrôlent la sécrétion de
l’endolymphe (le reste du système cochléovestibulaire étant drainé par la veine
cochléaire inférieure, satellite de l’aqueduc cochléaire).
C - MODÈLES
EXPÉRIMENTAUX :
Sur ces bases
histopathologiques, de nombreuses études se sont proposées de développer un
modèle animal d’hydrops endolymphatique (HE) et d’en étudier les aspects
histologiques, biochimiques, électrophysiologiques et thérapeutiques.
Portmann, dès 1921,
a observé des anomalies du comportement natatoire, chez des élasmobranches chez
lesquels il avait cautérisé le canal et le sac endolymphatique.
Il en a conclu que
le sac endolymphatique jouait un rôle dans l’homéostasie des liquides
labyrinthiques, et que son atteinte pouvait entraîner un HE.
À partir de ces
travaux historiques, Naito réussit en 1950 à induire un HE chez le cobaye, par
l’oblitération directe du sac et du canal endolymphatiques.
Cette expérience
fut reproduite avec le même succès par Kimura en 1965 chez le cobaye, et par
Schuknecht en 1968 chez le chat.
Cette procédure,
capable de produire un HE chez 100 % des cobayes, fut utilisée pour tenter de
déterminer l’efficacité des traitements de l’hydrops.
Cependant, ce
modèle a une spécificité d’espèce.
Si un HE est obtenu
chez 100 % des cobayes ainsi traités, et concerne alors les labyrinthes
cochléaire et vestibulaire, tout comme chez le rat et le lapin, il est moins
constamment obtenu chez le chat, et ne concerne alors que sa cochlée.
Enfin, l’HE est
très difficile à provoquer par cette méthode chez le chinchilla et le singe.
Par ailleurs, les
cobayes et les chats ne présentent pas de nystagmus après l’oblitération de
l’aqueduc du vestibule, tandis que le lapin et la gerbille en présentent un
durant plusieurs jours après la chirurgie.
L’explication la
plus probable est le blocage de la veine de l’aqueduc du vestibule, qui est
absente chez le cobaye et le chat, et présente chez la gerbille et le lapin.
Or, l’oblitération
sélective de cette veine induit un nystagmus chez la gerbille, de façon
inconstante, peut-être en raison de l’existence d’un drainage veineux
collatéral chez certains animaux.
La principale
conséquence de l’oblitération du sac endolymphatique consiste en la distension
de la membrane de Reissner et des parois des cavités membraneuses
vestibulaires.
Cet HE survient
rapidement, souvent en 24 heures, mais de façon variable selon les espèces.
La dilatation de la
membrane de Reissner s’effectue aux dépens des cellules existantes, et non par
prolifération cellulaire.
Pareille
constatation est en contradiction avec certaines observations faites sur
rochers humains, faisant état d’une multiplication cellulaire en réponse à un
étirement.
Enfin, les
jonctions serrées entre cellules épithéliales sont comparables à celles
observées chez l’animal normal, ce qui va à l’encontre d’une augmentation de la
perméabilité membranaire, évoquée comme possible mécanisme de fuite ionique.
Une atrophie des
cellules ciliées est par ailleurs souvent notée, qui touche davantage les
cellules externes qu’internes.
Une atteinte des
cellules du ganglion spiral et des cellules de la strie vasculaire est
également observée.
Toutes ces lésions
prédominent à l’apex, ce qui suggère un mécanisme lésionnel différent de celui
des traumatismes sonores ou des drogues ototoxiques.
De plus, elles ne
sont observées qu’au bout de 1 à 2 mois après l’oblitération du sac, soit bien
plus tard que l’HE.
Par ailleurs, des
fistules sont observées au niveau des parois des saccules de certaines espèces
(singe, chinchilla, rat) et, dans ce cas, aucun hydrops n’est mis en évidence.
À l’inverse, chez
le cobaye, où aucune fistule ne peut être retrouvée, un hydrops est observé de
façon quasi constante.
Pareille
discordance s’explique sans doute par des différences interespèces d’élasticité
membranaire ou de physiologie liquidienne.
Quoi qu’il en soit,
ces fistules semblent prévenir le développement de l’HE et être la conséquence
d’une augmentation de pression à l’intérieur du labyrinthe membraneux, bien que
leur siège sacculaire, proche des canal et sac endolymphatiques, suggère
qu’elles puissent n’être qu’une conséquence de phénomènes inflammatoires
postchirurgicaux.
Elles n’entraînent,
semble-t-il, aucune lésion significative des cellules sensorielles, ce qui
suggère que la contamination de l’endolymphe par la périlymphe est limitée.
Les fistules
induites expérimentalement, simultanément à l’oblitération du sac, retentissent
de façon variable sur le développement de l’HE.
Effectuées dans le
canal cochléaire, elles semblent en diminuer l’importance, alors que, réalisées
dans le vestibule, elles ne semblent d’aucun effet.
Elles cicatrisent
par ailleurs très rapidement, surtout dans le vestibule.
De ces données
expérimentales, on peut retenir que :
– le modèle d’HE
expérimental repose sur l’oblitération du sac ou du canal endolymphatique.
L’HE est
d’apparition rapide, prédomine à l’apex, mais n’est obtenu que dans certaines
espèces, ce qui rend difficile une extrapolation à l’homme, d’autant que les
animaux rendus hydropiques manifestent rarement des symptômes vestibulaires
typiques de la maladie de Ménière ;
– les altérations
sensorielles prédominent, comme chez l’homme, à l’apex, mais ne peuvent rendre
compte à elles seules des symptômes cochléaires observés en clinique humaine.
Elles sont
d’apparition retardée par rapport à l’HE ;
– les fistules
induites ne limitent le développement de l’HE que lorsqu’elles sont effectuées
dans le canal cochléaire, ce qui pourrait constituer un argument en faveur des
shunts chirurgicaux endocochléaires.
D - PATHOGÉNIE :
Sur la base de ces
données histopathologiques humaines et expérimentales, de nombreuses hypothèses
pathogéniques ont été avancées, qui seront envisagées selon qu’elles concernent
l’HE ou les symptômes observés en clinique.
Dans les deux cas,
cependant, ces hypothèses posent comme établie la réalité de l’hydrops
endolymphatique, dont elles se proposent d’expliquer la survenue ou s’en
servent pour éclairer la symptomatologie clinique.
Or, le concept même
d’hydrops en tant que substratum histopathologique de la maladie ne peut être
accepté sans réserve, car :
– il n’est pas
constant chez des patients ayant pourtant présenté tous les symptômes
caractéristiques de l’affection (il est ainsi absent chez 10 des 22 patients de
Paparella) ;
– depuis sa
description initiale en 1938, l’observation d’un hydrops ne repose en tout et
pour tout, que sur l’examen d’environ 150 rochers humains, chiffre qui
n’autorise aucune certitude absolue ;
– enfin, il est
observé dans d’autres affections que la maladie de Ménière.
C’est en gardant à
l’esprit cette notion critique qu’il convient d’aborder les paragraphes
suivants.
1- Pathogénie de
l’hydrops endolymphatique :
Aucune étude n’a pu
déterminer avec certitude la composition biochimique de l’endolymphe accumulée
dans les labyrinthes hydropiques, ou encore montrer si cette endolymphe était
normale.
La dilatation du
labyrinthe membraneux relève a priori, soit d’une hyperproduction d’endolymphe,
soit d’un dysfonctionnement des épithéliums labyrinthiques, qui régulent les
concentrations en électrolytes et les osmolarités de l’endolymphe et de la
périlymphe, soit d’une insuffisance de résorption de l’endolymphe par le sac
endolymphatique.
Une hyperproduction
peut théoriquement résulter de trois phénomènes :
– une élévation de
la pression hydrostatique dans le segment artériel de la strie vasculaire entraînant
une augmentation de la fuite liquidienne du capillaire vers la scala media, ou
une diminution de la pression oncotique plasmatique réduisant le retour des
fluides dans le segment veineux.
Cette hypothèse ne
tient pas compte de ce que l’endolymphe résulte d’une sécrétion active et non
d’une ultrafiltration ;
– une stimulation
des processus de sécrétion. Feldman et Brusilow ont ainsi rapporté que
l’injection de toxine cholérique dans la scala media entraînait un HE.
Mais cette
hypothèse fut abandonnée, car cette expérience n’a jamais pu être reproduite ;
– une augmentation
de la pression osmotique endolymphatique par accumulation de débris cellulaires
ou de macromolécules, par perte de la fonction de phagocytose du sac
endolymphatique ou par déficit en hyaluronidase, provoquant l’accumulation de
grosses molécules hydrophiles.
Cette hypothèse n’a
pu être confirmée. Une réabsorption insuffisante de l’endolymphe par le sac
endolymphatique est l’hypothèse la plus communément admise aujourd’hui.
Elle repose sur la
théorie du flux longitudinal, suggérée il y a déjà plus de 60 ans par les
expériences de Portmann et de Guild.
Ce dernier, ayant
injecté des billes d’encre indienne dans la scala media, les a retrouvées
quelques jours plus tard dans le sac.
Cette théorie a
ensuite été étayée par des études en microscopie électronique, qui ont montré
que le sac dispose de l’équipement cellulaire caractéristique des épithéliums
engagés dans les phénomènes de transports et d’échanges liquidiens et
métaboliques.
Ainsi, grâce au
flux longitudinal lui sont acheminés eau et solutés endolymphatiques, notamment
les protéines ayant pénétré dans l’espace endolymphatique.
La purification et
la réabsorption s’y effectueraient ensuite selon trois mécanismes possibles :
– sortie passive
transcellulaire d’eau.
La matrice non
collagène sousépithéliale crée un gradient osmotique transépithélial élevé en
regard de certaines zones atrophiées, ce qui attire l’eau vers les vaisseaux
qui entourent le sac, d’où concentration de l’endolymphe ;
– transport actif
transcellulaire des ions vers les espaces intercellulaires, ce qui augmente
l’osmolarité et induit secondairement un appel d’eau passif ;
– vacuolisation
active transcellulaire transportant l’endolymphe de la lumière du sac vers les
vaisseaux périphériques.
Cette théorie du
défaut de résorption du liquide endolymphatique a été renforcée par les études
histopathologiques humaines, qui ont montré une fibrose autour du sac, une
hypoplasie ou une atrophie du sac.
Notons que si le
sac est défaillant, l’aqueduc du vestibule paraît être hypoplasique chez les
patients atteints de Ménière ; cela pourrait expliquer la fréquente
impossibilité de visualiser l’aqueduc du vestibule sur l’imagerie.
Au plan
étiologique, l’HE est classé actuellement en malformatif ou acquis.
Le type malformatif
est rare, et pourrait être dû à une dysplasie de Mondini. Le type acquis serait
dû à une agression du labyrinthe, inflammatoire (virale ou bactérienne) ou
traumatique .
On peut en
rapprocher le « delayed vertigo » ou HE retardé, qui survient chez des patients
ayant présenté une surdité sévère unilatérale, d’origine infectieuse ou
traumatique, et qui, après une période prolongée, développent, soit un vertige
épisodique du même côté, soit une surdité fluctuante du côté controlatéral,
associée parfois à un vertige récidivant.
Une atteinte
auto-immune de l’oreille interne a aussi été évoquée, notamment après la
découverte d’immuns complexes circulants et d’autoanticorps anti-sac
endolymphatique.
Par ailleurs, un HE
peut être présent mais asymptomatique :
– s’il n’y a déjà
plus de fonction cochléovestibulaire ;
– si une fistule
s’est déjà produite spontanément.
La constatation que
la migraine est souvent associée à la maladie de Ménière et que son traitement
peut aussi atténuer la symptomatologie méniérique ne suffit pas pour prouver
que l’origine de la maladie de Ménière est vasculaire.
Cependant, Oliveira
et al ont rapporté en 1997 la présence de ces deux pathologies au sein d’une
même famille, ce qui pourrait témoigner d’une même origine autosomique
dominante.
2- Pathogénie
des symptômes :
* Théorie de la
rupture membranaire :
L’hypothèse la plus
classique pour expliquer les symptômes de la maladie de Ménière est celle
décrite par Lawrence et McCabe en 1959, reprise et développée par Schuknecht en
1974 : la rupture du labyrinthe membraneux et l’intoxication potassique.
Sous l’effet de la
distension progressive, le labyrinthe membraneux finit par se rompre, libérant
ainsi le potassium endolymphatique qui, selon le siège de la rupture, diffuse
soit dans la périlymphe de la citerne vestibulaire, soit dans celle de la rampe
vestibulaire du canal cochléaire d’où il gagne ensuite, à travers
l’hélicotrema, la rampe tympanique.
Le labyrinthe
membraneux et les nerfs baignent dans de la périlymphe, dont la composition en
électrolytes est similaire à celle du liquide cérébrospinal (Na+ = 143 mmol/L,
K+ = 8 mmol/L).
En revanche, le
taux de potassium dans l’endolymphe (K+ = 150 mmol/L, Na+ = 15 mmol/L) est
suffisamment élevé pour provoquer une dépolarisation axonale à l’origine d’un
blocage de la conduction nerveuse.
Il a ainsi été
démontré que la perfusion dans l’espace périlymphatique d’une solution
potassique est susceptible de bloquer les réponses cochléaires ou de provoquer
un nystagmus paralytique.
Lorsque la
concentration de potassium augmente dans la périlymphe, les fibres nerveuses
afférentes qui traversent cette dernière sont les premières affectées.
Ces fibres sont
tout d’abord excitées, car leur potentiel membranaire se rapproche du potentiel
d’activation des canaux à sodium.
Si la concentration
de potassium continue à augmenter, les potentiels d’action sont bloqués, d’où
une réduction de l’activité spontanée, liée à l’inactivation des canaux à
sodium axonaux.
Cela a été
reproduit chez le cobaye, en perfusant de l’endolymphe artificielle dans les
espaces périlymphatiques.
Un tel mécanisme
explique pourquoi le nystagmus est de type irritatif au début de la crise, puis
change de sens pour devenir de type destructif.
Enfin, lorsque
l’excès de potassium est épuré, le nystagmus bat de nouveau vers l’oreille
malade (nystagmus de récupération), avant de disparaître.
La durée de ce
cycle varie selon le délai nécessaire au renouvellement liquidien.
La direction du
nystagmus et du vertige pourrait dépendre également de l’endroit où s’effectue
la rupture membranaire.
Une analyse récente
en trois dimensions du nystagmus spontané, chez quatre patients atteints de
maladie de Ménière, a montré toutefois qu’il n’existait que deux composantes
dans les mouvements oculaires chez ces patients : horizontale et rotatoire.
Ces constatations
ont conduit à supposer que les fibres afférentes de tous les canaux
semi-circulaires étaient stimulées au cours de la crise.
Lorsque les deux
canaux verticaux sont stimulés, la composante rotatoire prédomine, tandis que
les composantes verticales opposées s’annulent.
Ainsi, Schuknecht a
formulé « un concept logique du mécanisme de la surdité fluctuante et des
vertiges paroxystiques dans la maladie de Ménière » :
– diminution de la
résorption endolymphatique. Une hypoplasie de l’oreille interne, un traumatisme
ou une labyrinthite virale altèrent la fonction de résorption du sac
endolymphatique ;
– hydrops.
Il s’ensuit une
accumulation lente d’endolymphe, à l’origine d’un hydrops et d’une distension
de la membrane labyrinthique ;
– ruptures.
L’accroissement du
volume d’endolymphe provoque des ruptures répétées du système endolymphatique
et une contamination du liquide périlymphatique, qui paralyse temporairement
les fonctions cochléaire et vestibulaire, provoquant vertige et/ou surdité ;
– cicatrisation des
ruptures. Les déchirures se cicatrisent, autorisant la reproduction du
processus entier ;
– distension et
atrophie.
À un stade avancé,
le labyrinthe membraneux présente des déformations permanentes, responsables de
surdité et de déséquilibre, également permanents, cependant que la cavité
vestibulaire est occupée par des plages de tissu fibreux dense, stigmates des
nombreux processus de fistulisation et de cicatrisation intervenus au décours
de l’évolution.
Ces connexions
fibreuses assurent la transmission des stimuli mécaniques entre les différentes
structures qu’elles relient, et notamment entre base du stapes et structures
vestibulaires. Ainsi s’explique le classique signe d’Hennebert.
Cette théorie de
l’intoxication potassique secondaire à une rupture membraneuse soulève,
cependant, de nombreuses objections : des ruptures ne sont pas toujours
retrouvées sur des autopsies de rochers humains ; le processus cyclique
distension-rupturecicatrisation suppose un certain délai difficilement
compatible avec la répétition de crises parfois quotidiennes ; les dosages
effectués sur liquides de prélèvements labyrinthiques humains ne montrent pas
de concentrations potassiques significativement élevées dans la périlymphe,
comme l’indiquerait la notion d’intoxication permanente.
* Théorie de la
dysperméabilité membranaire :
La théorie de la
dysperméabilté membranaire a été opposée à celle d’une augmentation brutale de
la perméabilité du compartiment endolymphatique.
Les jonctions
intercellulaires, qui assurent la parfaite étanchéité électrochimique de ce
compartiment, perdraient brusquement leurs propriétés et autoriseraient une
fuite de potassium qui, en raison d’un gradient électrochimique hautement favorable,
s’effectuerait massivement en direction des espaces périlymphatiques.
Toutefois, cette
hypothèse n’a pu être confirmée par la suite.
Elle a donc été
abandonnée.
* Théorie mécanique
:
Dans une série
d’expériences menées sur un modèle cochléaire, Tonndorf a proposé une théorie
dite « mécanique », des symptômes de la maladie de Ménière.
Tant que les
membranes limitantes, Reissner et basilaire, conservent leurs propriétés
élastiques, une augmentation du volume endolymphatique, sous l’effet de l’hydrops,
entraîne une augmentation de la pression, qui réduit la sensibilité vibratoire
de la membrane basilaire là où elle est la plus souple, c’est-à-dire à l’apex
et déplace le siège de la réponse maximale, c’est-à-dire de la fréquence de
résonance, vers la base, d’où des distorsions harmoniques.
Le degré de ces
altérations serait directement proportionnel à l’augmentation de volume.
Lorsque ces
membranes deviendraient flaccides, perdant leur élasticité, l’augmentation de
volume affecterait alors les capacités vibratoires de la totalité du canal
cochléaire, en raison de l’excès de masse qui lui serait imposé.
De telles
conclusions expliquent bien les principaux symptômes observés : surdité
fluctuante touchant les basses fréquences avec diplacousie et distorsion à un
stade de début, puis surdité en plateau non fluctuante avec diplacousie à un
stade avancé.
Quand prédominerait
l’effet de rigidité, le déplacement des fréquences de résonance se ferait vers
les hautes fréquences et ce serait l’inverse quand prédominerait l’effet de
masse.
Par la suite,
Tonndorf fait l’hypothèse du découplage entre stéréocils et membrane tectoriale
provoqué par l’augmentation pressionnelle intralabyrinthique.
La surdité
s’explique alors par l’altération de la transduction mécanoélectrique.
Son intensité varie
avec le degré de découplage et le nombre de cellules concernées.
La mauvaise
discrimination vocale du Ménière résulte du silence périodique lié au
découplage qui affecte la structure des formants.
Les acouphènes sont
quant à eux liés à l’agitation spontanée des stéréocils qui, détachés de leur
ancrage tectorial, sont animés de mouvements spontanés « browniens ».
Ce mécanisme
explique encore que les acouphènes puissent être masqués par un son incident
reconnectant stéréocils et membrane tectoriale, et soient directement fonction
du siège du découplage : durant les premières crises, la surdité prédomine sur
les graves et s’accompagne d’acouphènes de tonalité grave.
La corrélation
entre pression liquidienne et audition est confirmée par les travaux récents
menés sur des patients atteints de maladie de Ménière.
Les auteurs suédois
ont mesuré les seuils auditifs et réalisé une électrocochléographie avant et
après passage dans un caisson hypobare, afin d’obtenir une hyperpression
tympanique relative.
L’hyperpression
tympanique, probablement parce qu’elle comprime la fenêtre ronde, améliore
statistiquement les seuils auditifs et les enregistrements
électrocochléographiques.
À noter que le
développement du test de Marchbanks a un temps fait espérer la possibilité de
mesurer la pression périlymphatique de façon non invasive chez les patients
porteurs d’une maladie de Ménière. Malheureusement, les résultats de ce test
semblent peu probants.
La relation entre
volumes liquidiens et pressions s’applique aux symptômes vestibulaires, d’une
part parce que les manifestations vertigineuses observées lors d’une crise
peuvent être enrayées par la mise du patient dans une chambre de pression, qui
diminue le gradient de pression entre endo- et périlymphe, d’autre part parce
que l’augmentation expérimentale du volume liquidien dans des canaux de
grenouilles entraîne une augmentation proportionnelle de la pression
endolabyrinthique, qui provoque elle-même une augmentation de l’activité électrique
du nerf ampullaire et qui cesse avec elle.
Il existe donc une
relation directe entre l’augmentation de pression et l’activité électrique.
De même, une
augmentation continue de pression induit un courant liquidien ampullopète (car
l’augmentation de pression se propage plus rapidement dans l’étroit canal
semi-circulaire que dans la vaste cavité utriculaire).
À l’inverse, une
baisse de pression induit un courant ampullofuge.
Ces données
expliquent la direction des nystagmus spontanés observés au cours de la crise,
d’abord ipsilatérale, puis controlatérale.
Cependant, ni
l’augmentation de pression endolymphatique ni une contamination potassique ne
peuvent expliquer le caractère prolongé du nystagmus et du vertige lors de la
crise, et celui permanent et non fluctuant de l’hyporéflectivité vestibulaire
quasi constante au cours de l’évolution de l’affection.
Cette théorie, qui
ne s’applique qu’aux symptômes et pas à l’hydrops, n’exclut pas la possibilité
de ruptures du labyrinthe membraneux, responsables des crises.
* Autres hypothèses
:
Pour expliquer la
survenue de la crise, de nombreuses autres hypothèses ont été proposées, qui ne
sont pas reconnues actuellement comme valables : déséquilibre neurovégétatif
avec hypersympathicotonie, allergie, accident immunologique, à-coups
osmolaires, qui provoqueraient des mouvements d’eau en direction du labyrinthe
membraneux, vasculaire, une atteinte primitive, congénitale ou autre, du
système veineux de l’aqueduc du vestibule étant alors à l’origine d’une
hyperpression veineuse d’amont, retentissant sur les régions sécrétoires
vestibulaires et sur les mécanismes de transport liquidien.
Traitement :
Le traitement de la
maladie de Ménière devrait avoir quatre objectifs :
– traiter la crise
;
– prévenir la
survenue d’autres crises ;
– améliorer et/ou
préserver les fonctions cochléaire et vestibulaire ;
– prévenir le
développement d’une maladie bilatérale.
Pour l’instant, les
traitements conservateurs et chirurgicaux n’ont prouvé leur efficacité que pour
les deux premiers.
Il existe par
ailleurs une grande confusion dans la littérature internationale pour
déterminer le traitement médical le plus efficace.
Aucune autre
pathologie vestibulaire n’a suscité un aussi grand nombre d’articles (environ 1
500 entre 1966 et 1996), ce qui illustre la complexité du problème.
Les patients
doivent être instruits sur la façon de gérer les crises, et ils doivent être
informés de l’évolution globalement bénigne de la maladie, avec la survenue
d’une rémission spontanée dans la plupart des cas, ou du moins de la réduction
du nombre de crises au bout de quelques années.
A - TRAITEMENT
DE LA CRISE :
Le traitement de la
crise est essentiellement dirigé contre le vertige et comporte :
– des mesures
générales, que le patient doit connaître : arrêt de toute activité, notamment à
risque (conduite) dès les prodromes (acouphène notamment), position assise ou
allongée pour prévenir une chute, puis mise au repos absolu, isolé, au calme et
dans l’obscurité, durant toute la crise ;
– l’évitement des
changements de position rapides de la tête, pour ne pas aggraver le vertige ;
– l’administration
parentérale d’un sédatif, type diazépam (Valiumt), 10 mg, diménhydrinate
(Dramaminet), 50 mg.
Les benzodiazépines
ont une puissante action vestibulopressive en renforçant l’inhibition
cérébelleuse sur les neurones vestibulaires ;
– on peut associer
à ce sédatif des antihistaminiques, en raison de leur action antiémétique et
antivertigineuse, type prométhazine (Phénergant), 25 mg, et/ou un
antioedémateux cérébral (sulfate de magnésium à 15 %, en injection intraveineuse
lente) ;
– dans les cas
rares ne cédant pas à de telles prescriptions, on peut essayer un
neuroleptique.
L’injection
intramusculaire d’un dérivé des butyrophénones comme le dropéridol (Droleptant)
10 mg, se montre généralement efficace.
Les dérivés de la
phénotiazine, comme la métopimazine (Vogalènet) ou le sulpiride (Dogmatilt),
sont également intéressants, en raison de leur puissante action antiémétique.
L’administration
d’un agent osmotique est conseillée par certains auteurs.
Le principe en est
le même que celui des tests osmotiques.
Le mannitol trouve
ainsi une indication (500 mL à 10 %, perfusé en 2 heures, deux fois par jour,
durant la période vertigineuse).
Parmi les multiples
autres médicaments conseillés, citons la lidocaïne (Xylocaïnet) intraveineuse,
1 mg/kg de solution à 1 %, à raison de 6 mg/min, qui aurait une grande
efficacité sur les troubles neurovégétatifs grâce à son action corticale.
Enfin, des tests
caloriques calibrés « répétés » durant la période intercritique, ont été
proposés à titre de « psychothérapie comportementale », chez les patients dont
les crises vertigineuses provoquent des réactions de panique.
Toutes ces drogues
ont aussi pour effet de gêner la pratique d’épreuves vestibulaires
percritiques.
Par ailleurs, elles
doivent être suivies, au décours de la crise, d’un relais par un traitement de
fond.
B - TRAITEMENT
DE FOND :
Le traitement de
fond, prescrit durant les phases intercritiques, vise à empêcher ou à retarder
la survenue d’une nouvelle crise, à préserver l’audition et à empêcher la
survenue d’un acouphène invalidant.
Les changements de
théories sur la pathogénie de la maladie de Ménière ont suscité le développement
d’un grand nombre de protocoles.
La multiplicité des
traitements illustre la difficulté de démontrer l’efficacité de telle ou telle
thérapeutique.
1- Règles
hygiénodiététiques et traitements médicamenteux :
Les programmes
diététiques, incluant une restriction de l’apport de sel, d’eau, d’alcool, de
nicotine, de caféine sont aussi peu efficaces que l’exercice physique, le fait
de ne pas s’exposer aux températures basses, ou les passages en enceinte
hypobare.
L’anesthésie du
ganglion stellaire, l’administration de diurétiques, de drogues vasoactives,
ont été préconisées sous la présomption qu’il était possible de diminuer l’HE
en changeant le flux sanguin dans l’oreille interne.
Un traitement
médicamenteux de l’anxiété est préconisé par de nombreux auteurs ; il est très
largement dominé par les benzodiazépines (Valiumt, Tranxènet, Urbanylt, etc),
mais peut reposer aussi sur les barbituriques faiblement dosés qui, en dehors
d’une contre-indication respiratoire ou hépatique, sont utiles par leur effet
discrètement sédatif.
L’hydroxyzine
(Ataraxt), à des posologies de 300 à 400 mg, est très bien acceptée et efficace
au décours d’une période vertigineuse. Les bêtabloquants (Sectralt ou
Avlocardylt) ont une remarquable action anxiolytique, et sont sûrement indiqués
lorsque le malade signale des céphalées ou des migraines.
L’administration
d’antidépresseurs sédatifs trouve ici une excellente indication.
L’amitriptyline
(Laroxylt), la miansérine (Athymilt) peuvent être prescrites en prises
vespérales à doses réduites.
Enfin, il peut être
prescrit un neuroleptique ou du lithium.
Tous ces
traitements ont été à la mode à un moment ou à un autre, mais excepté les
diurétiques et la bétahistine, leur efficacité n’a jamais été démontrée.
En 1977, Torok
étudia 834 articles médicaux qui avaient été publiés sur une période de 25 ans
; il conclut que, tous traitements confondus, l’efficacité des traitements
médicaux sur la maladie de Ménière était comprise entre 60 et 80 %.
En 1991,
Ruckenstein et al allèrent même plus loin, en concluant que tous ces patients
avaient en fait bénéficié la plupart du temps d’un effet placebo.
Selon une récente
revue de la littérature, seuls les diurétiques et la bétahistine ont prouvé
leur efficacité dans des études en double aveugle sur le contrôle du vertige.
Cependant, aucun
traitement n’a d’efficacité prouvée sur la surdité ni sur l’évolution à long
terme de la maladie :
– les diurétiques à
doses filées, hydrochlorothiazide (Esidrext), associés à un régime hyposodé,
ont ainsi été recommandés pour le traitement au long cours de la maladie de
Ménière.
Une telle
association thérapeutique agirait par déshydratation globale, ou directement
sur l’homéostasie des liquides labyrinthiques ;
– la bétahistine
hydrochloride (Serct) a été recommandée comme traitement de première intention
de la maladie de Ménière, car, en supposant que l’hydrops résulte d’un spasme
des sphincters précapillaires de la strie vasculaire, ce spasme pourrait être
levé par l’histamine produite sur place par une décarboxylation de l’histidine.
Une étude
prospective en double aveugle a conclu que ce traitement était préférable à
tout traitement et à un placebo, efficacité également retrouvée dans l’étude de
Meyer.
Pour prévenir les
crises, la bétahistine doit être administrée durant 6 à 12 mois.
À l’opposé, les
antihistaminiques H1, comme le diménhydrinate (Dramaminet) ou le
diphénhydramine diacéfylline (Nautaminet), atténueraient les stimulations
labyrinthiques.
2-
Labyrinthectomie chimique :
La «
labyrinthectomie fonctionnelle » à l’aide d’aminoglycosides (gentamycine ou
streptomycine), a été proposée par Schuknecht dès 1957.
Elle était basée
sur les effets ototoxiques des aminoglycosides et sur l’affinité préférentielle
de certains d’entre eux pour le vestibule.
Schuknecht traita
huit patients avec de la streptomycine.
Cinq d’entre eux
présentèrent une disparition des crises vertigineuses, mais les huit perdirent
l’audition.
Silverstein
poursuivit cette méthode ; depuis, la streptomycine n’a plus été employée.
Depuis la fin des
années 1970, ce sont des instillations locales de gentamicine par voie
transtympanique qui sont utilisées par de nombreux auteurs, selon des
protocoles variés.
La gentamicine
s’est révélée plus agressive envers les cellules ciliées vestibulaires
qu’envers les cellules ciliées cochléaires.
De plus, un grand
nombres d’études animales ont semblé montrer que les aminoglycosides étaient
toxiques pour les cellules sombres de la strie vasculaire, supposée produire
l’endolymphe, ce qui pourrait induire une diminution du volume endolymphatique
et donc de l’hydrops.
L’observation par
certains auteurs d’une amélioration des vertiges, voire de l’audition, avant
que ne disparaisse, aux épreuves caloriques, la fonction vestibulaire, les a
conduits à évoquer la possibilité d’une atteinte première des cellules
sécrétoires de l’endolymphe avant la destruction des cellules sensorielles.
Ainsi, l’hydrops
serait-il soulagé avant que ne soit affectée la fonction sensorielle
vestibulaire et que ne s’installent, en contrepartie de la disparition des
vertiges, une ataxie et des oscillopsies particulièrement invalidantes.
En jouant sur les
doses et les modalités d’administration, on peut donc théoriquement transformer
un traitement destructif en un traitement étiopathogénique.
En pratique, c’est
la gentamicine qui est préconisée dans la littérature, par voie locale.
Elle fut d’abord
employée en Europe à l’aide de sulfate de gentamicine (Gentallinet), instillé
quotidiennement au travers d’un tube de plastique inséré derrière l’annulus
fibreux, au travers d’un abord transméatal.
Les instillations
étaient stoppées lorsque l’audiométrie ou l’observation d’un nystagmus
indiquait un début de désafférentation cochléovestibulaire.
Par la suite, les
indications et les techniques du traitement local par gentamicine ont changé,
spécialement après que l’on eût observé que l’ototoxicité était retardée de
quelques jours jusqu’à 1 semaine après l’instillation de la drogue.
Les instillations
transtympaniques d’aminoglycosides permettent le traitement isolé d’une seule
oreille, sans effet systémique.
La drogue atteint
l’oreille interne, d’abord au travers de la fenêtre cochléaire, puis,
secondairement, au travers du ligament annulaire, par voie sanguine,
lymphatique ou au travers de lacunes osseuses.
L’hypothèse d’une
toxicité en plusieurs étapes de la gentamicine a été étayée par la constatation
que le déficit vestibulaire était réversible à un stade précoce, et devenait
irréversible à un stade tardif.
L’administration de
gentamicine en excès peut donc causer des dégâts indésirables et non
nécessaires au niveau des récepteurs de l’oreille interne, et notamment des
cellules ciliées cochléaires.
L’administration de
faibles doses, qui peuvent même ne pas atténuer les réponses caloriques de
l’oreille traitée, a montré son efficacité, et est donc recommandée aujourd’hui
par certains comme procédure standard.
Les indications de
l’administration de gentamicine par voie transtympanique sont les suivantes :
– évolution
résistante au traitement médical, avec crises vertigineuses fréquentes ou
chutes brutales évoluant depuis plus de 6 mois ;
– persistance des
crises malgré une neurotomie vestibulaire (qui peut être due à des anomalies
anatomiques).
Cette technique
fait courir le risque d’altérer l’audition.
Aussi certains la
réservent-ils aux pertes auditives moyennes supérieures à 60 dB.
Cependant, certains
auteurs en administrent même chez les patients présentant des surdités
modérées, à condition que l’audition de l’oreille controlatérale soit normale.
Les manifestations
bilatérales de la maladie de Ménière sont une contre-indication relative du
traitement ototoxique.
Il n’existe pas de
consensus sur la concentration optimale, la dose par séance, le nombre
d’instillations, le rythme des séances et la dose totale à administrer.
Des concentrations
de gentamicine égales ou inférieures à 30 mg/mL ont été administrées dans la
plupart des séries rapportées.
Deux à trois
instillations consécutives se sont avérées efficaces, tout en offrant moins
d’effets adverses, comme la surdité, que quatre injections ou plus.
Une injection
hebdomadaire est recommandée pour gérer au mieux les effets ototoxiques
retardés ; 1 à 2mL, pour une concentration inférieure à 30 mg/mL sont ainsi
instillés au travers du tympan, par le biais d’une paracentèse, avec une
seconde incision pour faire appel d’air.
Environ 15 % des
patients porteurs d’une désafférentation vestibulaire unilatérale présentent
les symptômes d’une insuffisance vestibulaire chronique, tels que des
oscillopsies lors des mouvements céphaliques, et une instabilité durant les
déplacements.
Cela peut être
attribué à une fonction vestibulaire altérée dans le labyrinthe considéré comme
sain, ou à une compensation centrale prise en défaut lors des mouvements
rapides de la tête.
C - TRAITEMENTS
CHIRURGICAUX :
Les traitements chirurgicaux
de la maladie de Ménière peuvent être classés en interventions « destructrices
», qui suppriment la fonction labyrinthique, et en interventions « non
destructrices », qui visent, soit à lever l’hydrops et on peut dire qu’elles
sont à visée étiopathogénique, ce sont la chirurgie du sac endolymphatique et
les sacculotomies, soit à supprimer électivement les vertiges et elles sont à
visée symptomatique, l’exemple-type étant la section du nerf vestibulaire.
1- Traitements
non destructeurs :
* Chirurgie du sac
endolymphatique :
La chirurgie du sac
endolymphatique a été décrite en 1927 par Portmann, puis modifiée par Shambaugh
dans les années 1960.
Ses indications et
les modalités techniques des nombreuses variantes qui en ont été proposées
reposent schématiquement sur quatre hypothèses pathogéniques :
– la fibrose du
tissu périvasculaire transforme les parois du sac en une gangue inextensible
gênant son expansion : la chirurgie consiste à le décomprimer, en fraisant son
couvercle osseux mastoïdien ;
– le sac, englobé
dans cette gangue fibreuse, ne reçoit plus de vascularisation suffisante : la
chirurgie consiste, après l’avoir décomprimé, à tenter de le revasculariser par
des lambeaux de voisinage ;
– le sac ne peut
plus réabsorber l’endolymphe sécrétée dans le labyrinthe membraneux : pour
résorber l’hydrops qui en résulte, la chirurgie consiste à inciser la face
mastoïdienne du sac, réalisant un shunt mastoïdien.
L’ouverture ainsi
créée peut être maintenue par divers procédés : lambeau dure-mérien, prothèse
en Silastict ou en polyéthylène, valve, ballonnets, etc ;
– le sac ne peut
plus transmettre au labyrinthe membraneux, et donc à la face supérieure de la
membrane basilaire, les variations de pression intracrânienne, qui sont, en
revanche, normalement transmises par l’aqueduc cochléaire à la périlymphe et
donc à la face inférieure de cette même membrane : la chirurgie consiste ici à
établir une communication entre lumière du sac et espaces sousarachnoïdiens,
maintenue par l’insertion d’une prothèse, réalisant un shunt sous-arachnoïdien.
Quelle que soit la
technique utilisée, les résultats font état d’une amélioration des symptômes
dans 50 à 80 % des cas, y compris à long terme.
Cette amélioration,
toutefois, semble s’estomper au fil du temps, vraisemblablement parce que la
brèche chirurgicale évolue inéluctablement vers une fibrose qui tend à obturer
secondairement le shunt.
L’audition,
théoriquement respectée, semble pour certains se détériorer en postopératoire
dans 35 % des cas.
Les partisans de la
chirurgie du sac endolymphatique préconisent d’intervenir tôt dans l’évolution
de la maladie de Ménière, avant l’installation d’une hyporéflexie vestibulaire
définitive.
Cependant, il n’est
pas démontré qu’un drainage du sac puisse retentir sur le système
endolymphatique d’amont et, ainsi, lever l’hydrops.
L’analyse de la
littérature ne permet pas de conclure à l’efficacité réelle de cette chirurgie.
Ainsi, il a été
montré que la chirurgie du sac endolymphatique n’était pas plus efficace qu’une
intervention placebo (simple mastoïdectomie), y compris à long terme.
* Sacculotomies :
Toutes ces
interventions semblent donner des résultats identiques : excellents pour leurs
auteurs, moyens, sinon franchement mauvais pour les autres.
Globalement, les
vertiges paraissent améliorés dans 50 à 90 % des cas, cependant que le risque
d’aggravation auditive atteint 50 % dans certaines études.
Dans tous les cas,
l’analyse des résultats révèle de nombreuses insuffisances méthodologiques.
De plus, le
mécanisme d’action de ces interventions repose sur des hypothèses pathogéniques
dont le bien-fondé reste pour le moins critiquable.
Aussi les
techniques de sacculotomies sont-elles abandonnées aujourd’hui.
Les sacculotomies
visent à diminuer la pression endolymphatique par la création d’une fistule
entre le saccule et la caisse du tympan ou les espaces périlymphatiques.
Il en existe trois
types :
– la sacculotomie
transplatinaire, décrite par Fick, consiste à perforer par le biais d’une
platinotomie le saccule dilaté, situé au contact de la base du stapes.
La formation
secondaire d’une membrane perméable au lieu de la platinotomie permettrait la
filtration permanente de l’excès d’endolymphe, et donc un contrôle permanent de
la pression endolymphatique.
Le mécanisme
d’action d’un tel procédé reste cependant douteux.
Expérimentalement,
il n’a pas été observé chez le singe, ni chez le chat, de collapsus de
l’ensemble du système endolymphatique, comme on aurait pu pourtant s’y
attendre.
Quant au risque
auditif, si Kaufman n’observe pas de modification des potentiels microphoniques
cochléaires chez le chat, Colman constate des surdités sévères et définitives,
mais sans atteintes histologiques de l’organe de Corti ;
– la pose d’un clou
transplatinaire peut, pour certains auteurs, assurer la permanence de la
fistule sacculaire, en décomprimant automatiquement le saccule qui vient
s’empaler sur le clou à chaque épisode de distension.
L’efficacité de
cette technique n’a pas été prouvée ;
– la
cochléosacculotomie a été proposée par Schuknecht en 1982, considérant qu’une
fistule endopérilymphatique est seule capable de prévenir les distensions et
ruptures répétitives du labyrinthe membraneux, puisque les fistules du canal
cochléaire restent permanentes, contrairement à celles du vestibule membraneux.
Pratiquée à un
stade précoce, la fistule du canal cochléaire serait compatible avec une
audition normale pour les fréquences ne correspondant pas à la zone lésée.
Techniquement,
l’auteur introduit un crochet à travers la fenêtre cochléaire en direction de
la fenêtre vestibulaire, traversant successivement la lame spirale, le canal
cochléaire et le saccule dilatés.
* Neurectomie
vestibulaire :
La neurectomie
vestibulaire, ou plutôt neurotomie, est une intervention conservatrice à visée
symptomatique, dont le but est de supprimer les vertiges tout en préservant
l’audition.
Décrite par Dandy,
introduite en France par Aubry et Ombredanne, puis reprise par Fisch, elle
consiste à désafférenter le vestibule par la section (neurotomie) ou la
résection partielle (neurectomie) des nerfs vestibulaires avec le ganglion
vestibulaire (ou de Scarpa), tout en préservant les nerfs cochléaire et facial.
La neurotomie
permet une manipulation nerveuse moins traumatisante vis-à-vis de l’audition,
et la neurectomie interdit toute possibilité de régénération. Plusieurs voies
d’abord sont possibles :
– la voie
sus-pétreuse, de réalisation délicate et susceptible d’entraîner des lésions du
lobe temporal, mais qui permet de respecter l’oreille interne et de sectionner
les anastomoses acousticofaciales, qui pourraient avoir un rôle physiologique
dans l’apparition des vertiges ;
– les voies
rétrolabyrinthique, rétrosigmoïde ou sous-occipitale respectent le labyrinthe
et permettent une section élective du nerf vestibulaire dans l’angle
pontocérébelleux, à son entrée dans le méat acoustique interne, en dedans du
ganglion vestibulaire.
Les complications
sont celles de tout abord de la fosse postérieure : hémorragie, otoliquorrhée,
méningite, etc.
Le choix entre ces
différentes voies d’abord repose sur l’âge du patient, l’état de son audition
et sur l’expérience du chirurgien. Les résultats, tous concordants, font état
d’une disparition des crises vertigineuses rotatoires dans plus de 95 % des
cas.
L’audition est
théoriquement conservée, voire améliorée, grâce à la section des anastomoses
acousticofaciales.
Il n’est pas rare
cependant d’observer une détérioration de l’audition en postopératoire,
immédiate ou secondaire, de façon inexpliquée.
Surtout peut
persister un état d’instabilité, dont le degré et la durée paraissent fonction
des capacités de compensation centrale de l’individu et de la pratique d’une
rééducation vestibulaire postopératoire efficace.
Dans les suites, il
est encore volontiers noté la survenue de crises dépourvues de leur composante
vertigineuse.
Cela témoigne de ce
que la neurectomie vestibulaire reste une intervention purement symptomatique,
n’affectant pas le mécanisme pathologique de l’hydrops, donc l’évolution
naturelle de l’affection, et n’empêchant donc pas la survenue d’une surdité
fluctuante.
Ses indications
sont, là encore, les vertiges invalidants retentissant de façon majeure sur la
vie socioprofessionnelle rebelles aux traitements médicaux, avec une audition
encore utile.
Certains la
proposent d’emblée, alors que pour d’autres il doit s’agir d’un recours en cas
d’échec de la labyrinthectomie chimique.
* Autres
interventions symptomatiques et conservatrices :
La destruction
sélective de la fonction vestibulaire par application d’ultrasons sur le canal
semi-circulaire latéral ou sur la région des fenêtres, après ouverture
chirurgicale de la caisse du tympan, a été défendue par certains auteurs.
Cependant, il y avait
pour d’autres auteurs un risque de paralysie faciale, et d’atteinte cochléaire.
Ces risques
potentiels, joints aux difficultés techniques de la méthode, ont rendu ce
traitement caduc.
La cryothérapie
consiste à congeler les structures vestibulaires à l’aide d’une sonde apposée
sur les canaux semi-circulaires ou sur le promontoire, afin de créer une
fistule endopérilymphatique définitive.
Les résultats de
cette technique sont superposables à ceux obtenus avec les ultrasons, son
mécanisme d’action est également discuté, et la pratique pareillement obsolète.
2- Traitement
destructeur :
Le traitement
destructeur de la maladie de Ménière est représenté par la labyrinthectomie.
Elle consiste à
détruire chirurgicalement le labyrinthe, ce qui supprime les vertiges, mais au
prix d’une surdité totale et définitive.
Quant aux
acouphènes, leur devenir est lié à la « centralisation » de ce symptôme, qui
rend malheureusement aléatoire les effets de la destruction périphérique.
Sur le plan
technique, il convient de bien détruire les éléments neurosensoriels des
canaux.
Certains auteurs
réalisent la labyrinthectomie par voie transméatale en fraisant le pont osseux
qui sépare les fenêtres vestibulaire et cochléaire, puis déposent à cet endroit
de la streptomycine.
D’autres réalisent
cette labyrinthectomie par voie transmastoïdienne, ce qui revient à réaliser
les premiers pas d’une voie translabyrinthique, jusqu’à visualisation du fond
du méat acoustique interne sur son versant labyrinthique.
Cette technique est
indiquée chez les patients souffrant d’une maladie de Ménière unilatérale, avec
des vertiges invalidants, associés à une surdité profonde du côté atteint.
La fréquente
bilatéralisation de cette maladie ne doit faire envisager la labyrinthectomie
que dans des cas bien pesés et, bien évidemment, jamais en première intention.
Au total, l’analyse
de la littérature, souvent contradictoire, concernant le traitement chirurgical
de la maladie de Ménière, amène à ces conclusions :
– la chirurgie du
sac endolymphatique a un intérêt controversé ;
– la
labyrinthectomie, la cryochirurgie et les irradiations par ultrasons ont été
plus ou moins abandonnées, en faveur de la section du nerf vestibulaire, chez
les rares patients qui présentent une maladie invalidante et non maîtrisable
médicalement.
La neurotomie
vestibulaire par voie rétrosigmoïde semble en effet être la meilleure technique
pour préserver l’audition et réduire la morbidité postopératoire.
Cependant, et
notamment chez les sujets âgés, ces techniques chirurgicales peuvent provoquer
une instabilité posturale à long terme, en raison des mauvaises capacités de
compensation centrale après suppression de l’un des deux organes vestibulaires.
D - SCHÉMA
THÉRAPEUTIQUE PRÉCONISÉ DANS LA MALADIE DE MÉNIÈRE :
Les drogues
sédatives, telles que les benzodiazépines, le diménhydrinate, ou la
scopolamine, atténuent la symptomatologie vertigineuse et neurovégétative lors
des crises.
La bétahistine est
la drogue de première intention pour le traitement de fond et la prévention des
crises (8-16 mg par jour, durant 6 à 12 mois).
Les diurétiques
viennent en deuxième intention pour la prévention des crises vertigineuses.
L’association de la
bétahistine et d’un diurétique peut être essayée si une monothérapie échoue.
L’instillation de
gentamicine dans la caisse du tympan par voie transtympanique est le traitement
de première intention pour prévenir les crises vertigineuses ou les crises de
Tumarkin, chez les rares patients présentant des crises fréquentes, voire
subintrantes, depuis 6 à 12 mois, malgré les traitement médicaux précédents, et
avec une audition non utile au niveau de l’oreille atteinte.
La neurectomie
vestibulaire est considérée comme un traitement de deuxième intention après
échec de la gentamicine en applications locales, ou de première intention chez
ce même type de patients, mais dont l’audition est conservée.
L’amélioration des
protocoles de labyrinthectomie chimique pourrait permettre d’envisager cette
technique, y compris lorsque l’audition est encore de bonne qualité.
Conclusion :
Malgré les études
innombrables menées jusqu’à ce jour, la maladie de Ménière n’a toujours pas
livré ses secrets, et continue de passionner les praticiens et chercheurs du
monde entier.
On ignore par
exemple toujours son étiopathogénie exacte et, si au plan du mécanisme de la
survenue des crises, la théorie des ruptures membraneuses est la plus
communément admise, de nombreuses zones d’ombre persistent.
Enfin, quoique le
plus souvent bénigne, son évolution est capricieuse et éminemment variable d’un
patient à l’autre.
Retenons enfin que
la labyrinthectomie chimique et la neurotomie vestibulaire ont révolutionné la
prise en charge des patients présentant une symptomatologie vertigineuse invalidante.
Nom masculin
(Latin prodromus, du grec prodromos, précurseur)
- Symptôme de début d'une maladie, annonçant en particulier une crise aiguë.
- Littéraire. Signe annonciateur marquant le début de quelque chose : Les prodromes d'une insurrection.
Traumatismes
du rachis
Rappel
anatomique :
Toute atteinte
traumatique du rachis peut compromettre l’une de ses deux fonctions.
A - Protection
nerveuse :
Le canal vertébral
formé en avant par la partie postérieure du corps vertébral (ou « mur
postérieur »), en arrière par les arcs postérieurs, support des apophyses
articulaires, et latéralement par les pédicules, moyens d’union des arcs au
corps vertébral, protège la moelle présente jusqu’à L2 et les racines de la
queue de cheval au-dessous.
B - Statique et
dynamique :
• La statique est
assurée, en avant, par l’empilement des corps vertébraux et des disques et, en
arrière, par la double succession des apophyses articulaires qui peuvent
supporter au niveau du rachis lombaire jusqu’à un tiers du poids du corps ;
rectiligne dans le plan frontal, ce véritable « mât » rachidien présente dans
le plan sagittal une alternance de lordose (cervicale et lombaire) et de
cyphose (thoracique et sacrée), équilibrées, qui renforcent sa solidité.
La majorité des
traumatismes rachidiens succédant à des contraintes excessives en flexion vont
créer une « cyphose traumatique » par disparition des lordoses ou exagération
des cyphoses physiologiques.
• La mobilité est
assurée par la faculté d’amortissement des disques en avant et le jeu des articulaires
en arrière ; au rachis cervical, la mobilité est à son maximum, en particulier
la rotation dont le siège électif est l’articulation entre l’atlas (qui ne
possède pas de corps vertébral) et l’axis ; cette grande liberté de mouvement
est limitée par la présence des ligaments intercorporéaux longitudinaux,
essentiellement le postérieur, qui jouent un rôle de frein.
Au rachis lombaire
bas, les deux derniers étages sont très mobiles et doivent être respectés au
maximum.
Diagnostic :
Il est essentiel de
faire au plus tôt le diagnostic de lésion rachidienne et des éventuelles
complications pour éviter les 10 % d’aggravation neurologique que l’on constate
lors du ramassage et du transport de ces blessés.
• Sur un blessé
conscient, la localisation de la douleur associée ou non à une sensation de
paralysie des membres doit attirer l’attention sur le rachis et imposer un
transport en rectitude après ramassage selon la technique classique du « pont »
: la tête étant maintenue à 2 mains en exerçant une traction douce dans l’axe
sur les membres inférieurs ou le bassin ; 2 ou 3 autres personnes soulèvent
alors le blessé en positionnant leur mains en arrière du dos, des membres
inférieurs.
• Chez un blessé
inconscient, le risque de vomissement où d’inhalation peut faire préférer un
transport en décubitus latéral, tête tenue en rectitude ou en légère extension
; de toute façon, le matelas coquille répond le mieux aux impératifs de ce
transport qui doit éviter de façon formelle toute flexion antérieure de la tête
ou du tronc ; dès qu’une atteinte cervicale est possible, un collier ou une
minerve en plastique doivent compléter l’immobilisation.
• Lorsqu’une lésion
médullaire est reconnue ou même suspectée sur les lieux de l’accident, le
transport doit être fait par une équipe spécialisée (SAMU) qui veille à
maintenir une pression artérielle et une oxygénation correctes.
Par ailleurs, un
traitement médicamenteux est immédiatement entrepris pour éviter l’extension de
la lésion anatomique au sein de la moelle ; une étude multicentrique, encore en
cours d’évaluation, doit préciser quelles sont les substances les plus
efficaces (gangliosides ou autres) ; de toute façon, il faut se garder de tout
optimisme exagéré quant aux possibilités de ces médications, quel que soit le
résultat, contestable d’ailleurs, de certaines études (Braken).
A - Diagnostic
clinique :
L’examen clinique
doit être le plus complet possible, en particulier sur le plan neurologique, et
doit être conduit sans mobilisation du blessé.
1- Examen
neurologique :
• La motricité
spontanée est testée pour quelques muscles sélectionnés en raison de leur
représentation métamérique.
La réponse est
évaluée de 0 (paralysie totale) à 5 (mouvement actif contre résistance) et
reportée sur une fiche type IRME (Institut de recherche pour la moelle
épinière) dérivée du score ASIA (American spinal injury).
• L’étude de la
sensibilité est effectuée pour les 3 principaux types : superficiel (tact,
piqûre), profonde (sens de position des orteils), thermo-algique ; la première
est de même reportée sur la fiche d’examen initial.
• Les réflexes sont
généralement abolis en cas de lésion médullaire mais des signes pathologiques
peuvent apparaître (Hoffman, Babinski).
• Il est essentiel
d’examiner soigneusement le périnée à la recherche de la sensibilité périanale,
du tonus sphinctérien, du réflexe bulbo-caverneux ou clitoridoanal, et de noter
la possibilité d’un priapisme permanent ou intermittent, signe de gravité.
Il faut se rappeler
en effet que les cordons innervant le périnée sont les plus périphériques et
donc atteints en dernier par les lésions anatomiques médullaires qui sont
centrales au début et peuvent évoluer aussi bien de façon centrifuge que
longitudinale.
• L’étude des
fonctions végétatives est de règle devant tout traumatisme vertébral, en
particulier cervical, en connaissant la gravité de l’association bradycardie,
hypotension, hypothermie.
2- Cas
particuliers :
Deux éventualités
particulières sont à considérer :
• les blessés
inconscients chez qui l’examen neurologique peut se résumer à celui des
réflexes ; à l’étude des réactions au stimulus douloureux, à l’appréciation du
tonus anal en sachant qu’une béance anale est un signe grave d’atteinte
médullaire, ne jamais oublier à ce propos l’association possible traumatisme
crânienfracture du rachis cervical, et la recherche éventuelle d’un hématome
extradural, urgence neurochirurgicale ;
• les
polytraumatisés : des fractures de côtes ou des épanchements intrapleuraux sont
très souvent associés aux fractures du rachis thoracique dont ils aggravent les
difficultés respiratoires ; le diagnostic de lésion viscérale doit être fait
cliniquement et par les méthodes modernes d’investigation, il conserve la
priorité dans le pronostic vital.
On doit tenir
compte enfin de la possibilité de lésion osseuse, ligamentaire ou vasculaire
lors de l’examen neurologique des membres.
B - Conclusion
de l’examen clinique :
À ce stade, on doit
pouvoir fixer le niveau approximatif de la lésion osseuse et la gravité de
l’éventuelle atteinte neurologique.
1- Niveau
lésionnel :
Il est indiqué par
le « syndrome lésionnel », c’est la première racine nerveuse motrice atteinte,
cela correspond en général à la limite supérieure de disparition de la
sensibilité superficielle.
Cet élément
topographique est essentiel pour orienter les recherches radiographiques.
2- Gravité :
En dehors des rares
cas de « choc spinal » caractérisé par une sidération transitoire de la
motricité et d’une disparition de la sensibilité qui évolue rapidement vers la
récupération, il est essentiel, mais pas toujours facile, de différencier les «
atteintes complètes » associant perte totale de la motricité et de la
sensibilité des atteintes incomplètes où persistent une fonction médullaire
motrice sous-lésionnelle ou une zone de sensibilité.
Des examens répétés
ou l’expérience d’un neurologue spécialisé en traumatologie peuvent être
utiles.
• Atteintes
médullaires complètes :
– pour les
tétraplégies (atteinte des 4 membres, des muscles respiratoires et abdominaux
et des sphincters), il faut retenir que toute atteinte médullaire au-dessus de
C4 (nerf du diaphragme) peut entraîner, dès les premières heures, une faillite
respiratoire nécessitant une assistance mécanique ;
– pour les
paraplégies, la dépression respiratoire est de même à considérer mais de façon
moins dramatique, surtout si les intercostaux sont respectés ; la paralysie
sphinctérienne doit être prise en charge en urgence.
• Atteintes
médullaires incomplètes : elles sont caractérisées par la persistance d’une
fonction médullaire sous-lésionnelle, motrice ou sensitive. Parmi celles-ci,
retenons 2 syndromes bien individualisés :
– le syndrome
central de la moelle, après atteinte cervicale, avec sa paralysie
caractéristique prédominant aux membres supérieurs par rapport aux membres
inférieurs ; il succède souvent à un traumatisme n’ayant entraîné aucune lésion
osseuse ou disco-ligamentaire par simple « ébranlement médullaire ».
Chez les sujets
jeunes, il s’agit souvent d’un traumatisme sportif (sport de contact), et la
récupération est généralement rapide et complète en quelques minutes.
Il n’en est pas de
même chez les sujets âgés où ces ébranlements médullaires surviennent sur un
canal cervical étroit arthrosique ; l’atteinte neurologique est plus sévère, la
récupération est plus lente et toujours incomplète ;
– le syndrome de
Brown-Séquard ou hémiplégie médullaire, avec atteinte motrice unilatérale et
sensitive thermo-algésique controlatérale.
• Atteintes
radiculaires :
– syndrome de la
queue de cheval avec paralysie flasque de type périphérique des racines
sous-jacentes à TXII (muscles des membres inférieurs), troubles sphinctériens,
anesthésie « en selle » ;
– radiculalgie
paralysante ou non, mono- ou pluriradiculaire, soit aux membres supérieurs (de
C5 à D1), soit aux membres inférieurs [cruralgie (L3, L4) ou sciatique
paralysante (L5 ou S1)].
C - Diagnostic
radiologique :
Toute suspicion de
traumatisme rachidien impose la prise de clichés radiographiques ; le
diagnostic des différentes lésions rachidiennes peut être fait dans la majorité
des cas sur une radiographie de face et de profil, après repérage clinique de
la localisation traumatique.
Le blessé ne doit
pas être mobilisé, en particulier lors de la prise des clichés de profil.
• Le cliché de face
permet d’apprécier l’axe frontal du rachis, la hauteur des bords latéraux des
corps vertébraux, l’alignement vertical médian des apophyses épineuses ; la
largeur du corps vertébral sera déterminée sur la distance existant entre les
deux pédicules de la vertèbre qui apparaissent comme des « yeux » au niveau du
corps vertébral ; son élargissement signe une rupture sagittale de la vertèbre.
• Sur le profil, la
courbure générale des segments rachidiens, la hauteur des corps vertébraux et
des disques sont appréciées, on évalue l’avancée (antélisthésis) ou le recul
d’un corps vertébral sur la ligne qui unit les bords antérieurs ou postérieurs
des corps vertébraux.
On vérifie enfin la
place des apophyses articulaires qui, au niveau cervical se recouvrent de haut
en bas comme les tuiles d’un toit, alors qu’elles sont parallèles au plan
sagittal au niveau lombaire.
• Des clichés de trois
quarts permettent de mieux examiner les arcs postérieurs des vertèbres, et en
particulier les apophyses articulaires.
• Une incidence
spéciale, pour mieux dégager la charnière cervico-thoracique, mal visible en
raison de la superposition des épaules, « celle du nageur », un membre
supérieur relevé au-dessus de la tête.
• Les tomographies
sagittales et frontales sont moins utilisées actuellement.
• Le scanner est
essentiel pour l’appréciation des lésions osseuses ; il renseigne bien sur
l’état de la partie postérieure du corps vertébral appelée « mur postérieur » ;
la reconstruction en 3 dimensions est un élément intéressant de cette étude en
scanographie.
• L’imagerie en
résonance magnétique (IRM), enfin, peut mettre en évidence des lésions discales
ou ligamentaires, mais surtout l’atteinte médullaire ou périmédullaire
(hématomes extra-duraux par exemple).
Ces 2 derniers
examens ont supplanté la myélographie à l’Amipaque qui peut conserver certaines
indications, en particulier en cas de contre-indication à l’imagerie par
résonance magnétique.
Enfin, même si les
clichés initiaux n’ont pas révélé de lésions osseuses, il ne faut pas hésiter à
répéter dès le lendemain l’examen radiologique, si les signes cliniques sont en
faveur d’une lésion rachidienne.
D - Lésions :
1- Rachis
cervical supérieur :
On individualise
sous ce terme les 2 premières vertèbres cervicales et leurs moyens d’union ;
les 2 lésions les plus fréquentes sont les suivantes.
• La fracture de
l’atlas (C1) : les 2 arcs antérieur et postérieur de cette vertèbre en forme
d’anneau de clef peuvent se rompre, entraînant un élargissement de la vertèbre
bien visible sur le cliché de face bouche ouverte ;
• La fracture de
l’axis (C2) : deux lésions peuvent siéger au niveau de cette vertèbre :
– la fracture de
l’odontoïde, diagnostiquée sur le cliché de face, bouche ouverte et sur un
cliché de profil strict.
Cette apophyse
verticale qui prolonge vers le haut le corps de C2, peut être fracturée plus ou
moins près de sa base, le fragment supérieur basculant soit vers l’avant, soit
vers l’arrière avec possibilité d’atteinte de la partie haute de la moelle.
Cette lésion,
fréquente chez le sujet âgé, peut entraîner du fait de la proximité des noyaux
neurovégétatifs bulborachidiens une complication clinique particulière de type
pseudo-ébrieux ;
– la fracture des
pédicules de C2 résulte d’un traumatisme en hyperextension forcée de la tête,
telle que la réalisait autrefois la pendaison judiciaire d’où son nom de
hangman-fracture.
Sur le cliché de
profil, la fracture apparaît sous la forme d’un trait vertical, séparant le
corps vertébral de l’arc postérieur.
2- Rachis
cervical inférieur (C3 à C7) :
Ce sont les
fractures les plus fréquentes en raison de la vulnérabilité de ce segment
rachidien et de son extrême mobilité.
Elles
s’accompagnent de complications neurologiques, médullaires ou radiculaires dans
plus d’un tiers des cas.
Elles sont généralement
classées en fonction de la force vulnérante qui les a créées.
• Les lésions en
compression se rencontrent dans les accidents de la circulation mais aussi
après certains traumatismes particuliers comme les accidents de plongeon, le
sujet entrant verticalement tête première dans une eau insuffisamment profonde.
Les lésions
radiographiques sont assez caractéristiques réalisant une fracture en teardrop
: dans cette fracture, le coin antéro-inférieur de la vertèbre qui a l’aspect
d’une larme est détaché par le trait de fracture qui se continue à travers le
disque, le ligament vertébral commun postérieur, les capsules des articulaires,
le ligament interépineux.
Il existe enfin un
recul du mur postérieur dans le canal avec toutes les conséquences
neurologiques que l’on peut imaginer.
• Les lésions en
flexion-extension sont séparées selon l’importance croissante de la force
vulnérante :
– entorse du rachis
cervical : elle résulte le plus souvent d’un choc par l’arrière sur un sujet
assis conduisant sa voiture.
Le mécanisme de
décélération brutale entraîne dans un premier temps une extension suivie d’une
brusque flexion de la tête ; il s’agit du classique « coup du lapin » ou
whiplash injury, qui n’occasionne pas de lésion osseuse, mais une simple
distension des ligaments péri-rachidiens et une compression du disque. Le tableau
clinique est extrêmement polymorphe : cervicalgies, céphalées, vertiges,
vomissements, troubles du sommeil, angoisses, etc. en rapport avec un
dérèglement vago-sympatique parfois prolongé dans le temps, avec retentissement
psychique marqué.
Dans certains cas,
l’origine des troubles est une hernie discale traumatique que révèle l’imagerie
par résonance magnétique ;
– entorse grave :
lorsque le mouvement de flexion forcée est plus important, les ligaments
postérieurs interépineux, les capsules articulaires et surtout le ligament
vertébral commun postérieur, élément essentiel de la stabilité, peuvent se
rompre, c’est l’entorse grave.
Rappelons ses
signes radiologiques essentiels visibles sur le cliché de profil : bascule
supérieure à 10 ° de l’angle formé par les 2 plateaux vertébraux adjacents au
disque lésé, glissement antérieur du corps vertébral (antélisthésis) supérieur
à 3 mm, découverte de plus de 50 % de l’apophyse articulaire inférieure, écart
inter-épineux anormal.
Tous ces signes
peuvent apparaître dès le jour de l’accident mais le plus souvent dans les 48 h
ou dans les jours suivants, car la contracture musculaire, réflexe antalgique,
maintient initialement les rapports articulaires normaux : un cliché «
dynamique », le blessé effectuant volontairement un mouvement de flexion
antérieure de la tête, peut aider à faire le diagnostic d’entorse grave ;
– luxation
biarticulaire : si le mouvement de flexion antérieure a été encore plus
violent, il peut être à l’origine d’une véritable luxation bi-articulaire par
destruction de tous les éléments disco-ligamentaires d’union entre deux
vertèbres.
Sur la radiographie,
on voit que le bord antérieur du corps vertébral sus-jacent dépasse de plus de
la moitié de sa largeur celui du corps vertébral sous-jacent ; par ailleurs,
les apophyses articulaires inférieures de la vertèbre sus-jacente sont passées
en avant des articulaires supérieures de la vertèbre sous-jacente.
Cette lésion est à
l’origine de la majorité des tétraplégies complètes.
• Les lésions en
rotation sont responsables de lésions asymétriques portant généralement sur une
seule des deux apophyses articulaires qui peut être fracturée ou luxée.
Du fait de la
proximité existant entre l’apophyse articulaire et la racine nerveuse qui sort
du canal vertébral à ce niveau, cette lésion s’accompagne fréquemment d’une
atteinte radiculaire.
Sur le cliché de
profil, le corps vertébral sus-jacent dépasse d’un tiers de sa largeur le corps
vertébral sous-jacent, les vertèbres supérieures à la lésion apparaissent de
trois quarts sur le cliché alors que les vertèbres sous-jacentes restent de
profil ; le scanner permet de déterminer avec précision la lésion de
l’articulaire.
3- Rachis
thoracique et lombaire (TI-sacrum) :
• La classification
la plus adoptée actuellement est celle de Magerl. Elle se fait en 3 groupes
classés par ordre de gravité croissante, chaque groupe étant luimême subdivisé
en sous-groupes.
On distingue :
– le groupe A où
seul le corps vertébral est atteint, en général par un mécanisme de compression
;
– le groupe B où
aux lésions du corps vertébral s’associent des lésions des éléments postérieurs
en flexion distraction ;
– le groupe C où
existent de même lésions antérieures et postérieures, mais en rotation. Pour le
groupe A, atteinte exclusive du corps vertébral, nous retiendrons la différence
entre les lésions de type A1 et A2 où la partie postérieure du corps vertébral
est respectée, des lésions du type A3 où existe un véritable éclatement du
corps vertébral, avec atteinte du mur postérieur et rétropulsion de fragments
osseux dans le canal vertébral.
Ce sont les
fractures comminutives, ou burst fractures des Anglo-Saxons qui sont
responsables d’un grand nombre de lésions neurologiques.
Pour les lésions du
type B, la vertèbre est littéralement cisaillée d’arrière en avant par un
mécanisme de flexiondistraction.
La lésion la plus
connue est la fracture de Chance où le trait de fracture passe à travers l’arc
postérieur, les pédicules, le corps vertébral, le mécanisme étant généralement
celui d’une flexion forcée autour d’un axe antérieur au rachis qui est
représenté par la ceinture de sécurité, d’où son nom de seat belt fracture.
Ces lésions sont
souvent accompagnées de rupture des éléments viscéraux pré-rachidiens, tels que
le pancréas.
Parfois le trait de
fracture ne passe pas à travers l’os, mais à travers le disque et les éléments
ligamentaires postérieurs.
Enfin, dans les
lésions de type C, il existe des atteintes associées du corps vertébral en
avant et des articulaires postérieures en arrière.
Les atteintes
postérieures sont, du fait du mécanisme rotatoire, asymétriques ; ces lésions
postérieures peuvent être associées soit à des lésions osseuses au niveau du
corps vertébral, soit à des lésions disco-ligamentaires.
• Formes cliniques
: il existe des différences importantes selon la hauteur de l’atteinte
thoraco-lombaire :
– fractures du rachis
thoracique : elles succèdent à des traumatismes violents et s’accompagnent 2
fois sur 3 de lésions de la cage thoracique (fractures de côtes, hémothorax,
pneumothorax).
Le petit diamètre
du canal vertébral à ce niveau et la grande sensibilité de la moelle dorsale au
traumatisme expliquent la fréquence des paraplégies complètes ;
– à la jonction
thoraco-lombaire : ce sont les fractures qui intéressent les vertèbres de T11 à
L2.
Elles représentent
60 % de l’ensemble des lésions thoracolombaires.
Ce nombre important
est dû à la brusque différence de rigidité existant entre le rachis thoracique
protégé par la cage thoracique et le rachis lombaire beaucoup plus mobile.
À ce niveau, les
complications neurologiques sont variables allant des paraplégies complètes,
par atteinte de DXI et DXII, à des lésions de type purement radiculaire.
Cette variabilité
est due en partie aux différences topographiques de terminaison de la moelle ;
– les fractures
lombaires sont des fractures de type comminutif, les lésions neurologiques, par
atteinte de la queue de cheval, sont dues le plus souvent au recul dans le
canal rachidien de fragments osseux provenant du corps vertébral, déchirant la
dure-mère et les racines de la queue de cheval ;
– les fractures du
sacrum : le trait est transversal à déplacement modéré, les complications
nerveuses sont à type de troubles sphinctériens et sexuels.
Évolution :
Nous envisagerons
séparément l’évolution des complications neurologiques et celle des atteintes
osseuses ou disco-ligamentaires bien qu’elles soient étroitement liées.
A - Troubles
neurologiques :
Leur évolution est
fonction de l’anatomo-pathologie des atteintes médullo-radiculaires et de la
gravité des signes cliniques initiaux.
1- Évolution en
fonction des lésions anatomiques :
Les troubles
neurologiques sont dus à :
• la section
médullaire, rare, due à une luxation biarticulaire complète ; aucune récupération
n’est à espérer (la moelle, même suturée, ne cicatrisant pas) ;
• la contusion qui
résulte du déplacement brusque et exagéré d’une vertèbre sur une autre lors de
l’impact traumatique ; il est à noter que les clichés radiographiques pris
après l’accident en position de rectitude sur la table d’examen ne rendent pas
compte de l’amplitude du déplacement initial.
Après ce type de
traumatisme, les chances de récupération existent mais sont faibles.
Les études
expérimentales et cliniques ont montré, en effet, que toute contusion appuyée
ou prolongée plus de quelques secondes avait les mêmes conséquences
désastreuses que la section médullaire.
Ces lésions
médullaires débutent dans la substance grise centrale sous la forme
d’hémorragies localisées qui vont s’entourer rapidement de zones oedémateuses,
le tout évoluant en quelques heures vers une nécrose irréversible de toute la
partie centrale de la moelle.
À ce jour, seule
l’extension de l’oedème, tant longitudinale que centrifuge, peut être
partiellement contrôlée par une réduction et une fixation précoces des lésions
osseuses, l’administration massive de certains médicaments ne constituant qu’un
traitement d’appoint ;
• la compression
qui résulte d’une plicature de la moelle à l’intérieur du canal vertébral par
angulation traumatique (cyphose le plus souvent) ou d’une sténose du canal par
des fragments osseux provenant du corps vertébral.
Les complications
neurologiques peuvent être réversibles si l’on replace le plus rapidement
possible la moelle dans ses conditions anatomiques normales en réduisant les
déformations osseuses ou en enlevant les fragments osseux qui la compriment.
Contusion et
compression sont fréquemment associées et il est difficile d’en évaluer la
responsabilité réciproque ;
• la mobilité et la
plasticité des racines nerveuses qui leur permettent d’échapper aux agressions
osseuses mais elles peuvent être dilacérées, étirées par le traumatisme ou même
« coincées », comme cela est fréquent à l’étage cervical, entre deux apophyses
articulaires déplacées.
2- Évolution en
fonction des signes cliniques initiaux :
L’évolution des
complications neurologiques est fonction de leur gravité initiale ; celle-ci
est parfaitement résumée dans la classification de Frankel qui établit le
pronostic des atteintes médullaires.
• Tétraplégie ou
paraplégie complète : paralysie sensitivo-motrice totale sous-lésionnelle
(Frankel A).
Évolution immédiate
: en dehors des rares cas de « sidération médullaire » qui peuvent évoluer au
cours des 48 premières heures vers la récupération, il n’existe chez ces
patients aucun espoir d’une quelconque amélioration clinique au niveau
sous-lésionnel.
Chez les
tétraplégiques, le pronostic vital est réservé en raison de l’importance du
dérèglement neurovégétatif et de la paralysie des muscles respiratoires
intercostaux.
Au-dessus de C5 la
commande nerveuse diaphragmatique est atteinte et l’hypoxie nécessite
trachéotomie et assistance respiratoire mécanique.
Évolution
secondaire : après une phase de paralysie flasque, il apparaît une «
autonomisation » des centres médullaires sous-jacents à la lésion qui se
traduit par des réactions incrontrôlées de contractures au niveau des membres
ou « spasticité » ; ces réflexes médullaires seront utilisés pour la
rééducation des fonctions sphinctériennes dont l’atteinte est l’un des
problèmes dominants des paraplégiques ; toute rétention prolongée pouvant
entraîner une infection urinaire, des calculs vésicaux ou rénaux.
La perte de la
sensibilité cutanée est à l’origine d’ulcération au niveau des points d’appui
(cuir chevelu, sacrum, ischions, talons…) qui peuvent évoluer en quelques
heures vers des escarres très étendues ; leur prévention est essentielle par
retournements fréquents, massages, utilisation de matelas ou lits spéciaux.
Enfin, la perte de
l’autonomie, les troubles sphinctériens et sexuels survenant brutalement chez
des sujets jeunes ont bien évidemment un grand retentissement psychologique qui
sera vécu de façon différente selon le niveau intellectuel du blessé, l’apport de
son entourage ou même ses propres croyances.
• Tétraplégie ou
paraplégies incomplètes ( Frankel B, C ou D) : la persistance d’une zone de
sensibilité périnéale en particulier (Frankel B) est de pronostic sérieux mais
moins dramatique.
Une activité motrice
localisée plus ou moins importante (Frankel C ou D) fait prévoir une
possibilité de récupération utile telle que la reprise de la marche : il en est
de même pour les syndromes incomplets (syndrome central de la moelle ou Brown-
Séquard).
La précocité et la
qualité du traitement médicochirurgical initial représentent chez ce groupe de
blessés des éléments très importants de récupération.
• Atteinte
radiculaire : le pronostic des atteintes purement radiculaires (syndrome de la
queue de cheval, atteinte mono- ou pluri-radiculaire…) est bien meilleur que
celui des atteintes médullaires.
La récupération est
fréquente, seuls les déficits sphinctériens récupèrent difficilement.
B - Évolution
des lésions osseuses ou disco-ligamentaires :
Au niveau du
rachis, cette évolution est sous la dépendance d’un phénomène particulier : «
l’instabilité » ; définie comme un « défaut de permanence dans la position des
fragments », qui va se traduire par une aggravation spontanée du déplacement
initial, dans les jours ou les mois qui suivent le traumatisme, de certaines
lésions osseuses ou disco-ligamentaires, surtout si une stabilisation
orthopédique ou chirurgicale insuffisante a été effectuée.
1- Lésions
osseuses :
La compression du
corps vertébral peut être à l’origine d’un tassement vertébral évolutif avec
progression de la cyphose post-traumatique ; au niveau thoracique ou lombaire
cette angulation est mal supportée sur le plan douloureux et fonctionnel
au-delà de 20 ° (véritable « cal vicieux du rachis ») et peut par elle-même
être à l’origine de complications neurologiques.
Cette instabilité
d’origine osseuse est dite « temporaire » car les lésions purement osseuses ont
finalement tendance à consolider ; le but du traitement est d’obtenir la
consolidation en position la plus anatomique possible.
2- Lésions
disco-ligamentaires :
L’évolution est
différente car disques et ligaments n’ont aucune tendance spontanée à la
cicatrisation ; l’instabilité est dite « durable ».
C’est ainsi qu’une
luxation, même bien réduite, peut se reproduire dès que la contention par
plâtre ou corset est supprimée ; de même des déplacements, incomplets au niveau
des articulaires, peuvent se compléter.
Enfin, lors de la
période de cicatrisation et de consolidation, l’immobilisation entraîne une
atrophie des muscles péri-rachidiens, cervicaux, dorso-lombaires postérieurs,
abdominaux antérieurs et obliques, véritables haubans du mât rachidien.
Ces atrophies
musculaires peuvent être très invalidantes et doivent être prévenues par
rééducation dès la phase initiale de prise en charge.
Traitement :
Il a un double but,
améliorer ou éviter l’aggravation des complications neurologiques lorsqu’elles
existent, rétablir une fonction ostéo-articulaire la plus proche possible de la
normale sur le plan osseux.
A - Lésion
neurologique :
Le traitement doit
être effectué en urgence, associant réduction de la lésion, décompression des
éléments nerveux, fixation, à l’aide de méthodes chirurgicales qui permettent
d’obtenir :
• une réduction :
– au niveau
cervical, elle est obtenue par traction manuelle extemporanée ou progressive
par étrier de traction fixe sur le crâne,
– au niveau
lombaire, elle est obtenue par la mise en position sur la table d’opération ;
• une décompression
: c’est l’ablation des fragments osseux intracanalaires provenant du corps
vertébral ; elle se réalise couramment au niveau cervical par voie antérieure,
plus fréquemment au niveau thoraco-lombaire par voie postérieure ;
• une fixation :
elle est confiée à des moyens d’ostéosynthèse tels que plaques ou tiges fixées
aux vertèbres par des vis pédiculaires ou des crochets.
Certaines lésions
très instables, en particulier les rotations, peuvent nécessiter une double
fixation, postérieure par matériel métallique et antérieure sous la forme d’un
apport osseux qui va être effectué soit par une large voie d’abord, soit de
plus en plus grâce à l’utilisation de techniques vidéoscopiques qui permettent
un abord a minima des corps vertébraux antérieurs ; ce support osseux antérieur
va permettre d’obtenir la consolidation dans la position de réduction.
B - Fractures
sans lésion neurologique :
L’indication sera
fonction de l’importance de la lésion osseuse, les tassements vertébraux
simples sans atteinte du mur postérieur peuvent être traité par simple
réduction posturale et repos pendant quelque temps, associé ou non au port d’un
corset ou d’une « minerve » cervicale jusqu’à consolidation des lésions (3 à 4
mois en moyenne).
Les lésions plus
sévères de type burst fracture peuvent être traitées au niveau thoraco-lombaire
par la méthode « orthopédique » de Boehler qui associe réduction de la fracture
sous simple analgésie sur un cadre métallique permettant la mise en lordose
progressive par l’intermédiaire de sangles passées sous la colonne du sujet,
confection d’un plâtre avec appui sternal pubien et postérieur, maintenant la
réduction ainsi obtenue et reprise de la marche avec rééducation immédiate pour
éviter l’atrophie musculaire et toutes les complications qui peuvent en
résulter.
Le plâtre est
généralement conservé 45 jours, suivi de 2 mois d’immobilisation par corset
plastique.
Enfin, les lésions
réputées instables, comme les luxations cervicales ou thoraco-lombaires, qui
imposent la nécessité d’une réduction anatomique parfaite seront traitées
chirurgicalement par fixation au moyen de matériel métallique associé ou non à
des greffes osseuses postérieures ou antérieures.
Anorexie
mentale et boulimie de l’adolescence
|
Données
épidémiologiques :
L’anorexie mentale
touche essentiellement les jeunes femmes (90 %), dans la tranche d’âge 15-24
ans, avec 2 pics de survenue : 12-13 ans et 18-20 ans.
Elle peut survenir
avant la puberté.
Sa fréquence, qui
ne semble pas en augmentation, est estimée à 1 % des adolescentes.
L’incidence
annuelle, tous âges confondus, est de 7,6 pour 100 000 (femmes : 13,5 ; hommes
: 1,6).
La boulimie touche surtout
les jeunes femmes, le rapport est compris entre 5 et 10 femmes pour un homme.
L’âge de début est plus tardif (18-21 ans).
La prévalence est
de 1 % dans la population générale féminine et de 4 % chez les adolescents
(filles : 7 % ; garçons : 1 %). Sa fréquence serait en augmentation dans les
pays développés.
Anorexie mentale
:
A - Clinique :
1- Triade
symptomatique : amaigrissement, anorexie, aménorrhée
L’amaigrissement,
progressif, souvent massif, peut atteindre jusqu’à 50 % du poids initial. Une
chute pondérale de 10 à 25 % est exigée, selon les classifications, pour porter
le diagnostic.
L’aspect physique
est évocateur : corps anguleux, disparition des formes féminines, visage
cadavérique.
La méconnaissance
de la maigreur est constante, à des degrés variables, par trouble de la
perception de l’image du corps.
Le désir éperdu de
minceur et la peur de grossir conduisent à des vérifications incessantes du
poids, des mensurations et de la valeur calorique des aliments.
Il existe parfois
des fixations dysmorphophobiques sur des parties précises du corps.
L’anorexie,
inaugurale le plus souvent, présente des caractéristiques traduisant sa nature
psychologique.
Plus qu’une
inappétence vraie, il s’agit d’une conduite active de restriction alimentaire,
souvent justifiée au début par un régime, devenant drastique à un stade évolué.
La sensation de
faim, initialement conservée voire recherchée, disparaît plus tard avec perte
de tout appétit et intolérance à l’alimentation.
Cette anorexie
s’accompagne d’attitudes particulières face à la nourriture : pensée
constamment dirigée vers l’alimentation, nourrir les autres, collectionner les
recettes, trier les aliments, les mâchonner longuement, grignoter des portions
infimes.
Potomanie et
mérycisme, rares, ont une signification de gravité.
À l’anorexie
peuvent s’associer des vomissements provoqués et des prises de laxatifs ou
diurétiques pour contrôler l’évacuation de nourriture.
L’échec du contrôle
de l’anorexique peut se traduire par des accès boulimiques.
L’aménorrhée,
toujours présente, confirme le diagnostic.
Elle coïncide avec
le début de l’anorexie le plus souvent mais peut parfois la précéder ou lui
succéder.
Elle peut être
primaire (jeune fille non réglée) ou secondaire (après 3 mois de règles
régulières ou 6 mois de règles irrégulières).
C’est un des
derniers symptômes à disparaître. En dehors d’une grossesse, toute aménorrhée
chez une adolescente doit faire suspecter une anorexie.
Elle peut être
masquée par la prise de la pilule.
2- Contexte
psychologique :
L’absence de
troubles psychiatriques majeurs (psychotiques ou mélancoliques) et le contexte
psychologique dominé par la maîtrise et la dépendance donnent toute sa valeur à
la triade de base.
Le besoin de
maîtrise s’exprime au niveau du corps.
La recherche
acharnée de la maigreur vise le contrôle du corps menaçant dans sa dimension
pulsionnelle.
Les besoins
physiologiques du corps sont niés, bien sûr la faim mais aussi la fatigue
(hyperactivité motrice, sport intensif, troubles du sommeil avec incapacité à
se relâcher).
Le corps est
maltraité sans conscience de le mettre en danger, avec au contraire une
sensation de bien-être.
La sexualité est
activement refoulée et désinvestie (absence de plaisir corporel et sexuel). Les
transformations du corps liées à la puberté sont niées.
L’hyperinvestissement
scolaire, autre expression du besoin de maîtrise, se caractérise par une
appétence de connaissances, une hyperactivité psychique avec vérifications et
peur de l’imaginaire.
Les apprentissages
sont préférés à la créativité car l’intellectualisme vise la mise à l’écart de
toute émotion.
La dépendance s’exprime
surtout au niveau relationnel, sous le sceau du paradoxe entre une
revendication affective déniée (peur des séparations, autonomie apparente) et
un sentiment d’être sous l’emprise de l’autre.
Le début des
troubles apparaît d’ailleurs souvent réactionnel à un événement signant une
séparation (voyage, changement scolaire, remarque de l’entourage sur le corps
pubère, perte affective, deuil).
Seuls le repli
(isolement social rapide) et l’emprise manipulatrice (sur les parents) assurent
le succès d’un illusoire contrôle de la sphère affective.
Si les inquiétudes
initiales des parents sont souvent apaisées par le discours paralogique de
l’adolescente qui contrôle autant son corps que l’entourage, rapidement la vie
familiale se dégrade, centrée sur l’anorexie, contribuant à l’autorenforcement
de la conduite.
3- Signes
somatiques :
Ils peuvent être
dermatologiques (cheveux secs tombant, ongles striés et cassants,
hypertrichose, lanugo) ou cardiovasculaires (pâleur, acrocyanose, hypotension,
bradycardie, oedèmes de carence).
Ils peuvent se
traduire par une constipation ou des fractures liées à l’ostéoporose.
4- Données
paracliniques :
Les paramètres
sanguins ne se modifient que si la chute pondérale excède 30 %, ou en présence
de purges, potomanie ou prises de médicaments : anémie hypochrome, leucopénie
avec hyperlymphocytose, hypokaliémie, hyponatrémie, hypoprotidémie,
hyperamylasémie s’il y a vomissements, insuffisance rénale fonctionnelle,
bilirubine et transaminases augmentées, calcémie et phosphorémie diminuées,
hypoglycémie, acétonurie, hypercholestérolémie tardive.
Les troubles
hormonaux sont secondaires à la dénutrition, fonctionnels et réversibles :
– T3 basse, T4
normale, TSH (thyroid stimulating hormone) normal, réponse normale mais
retardée à TRH (thyrotrophin releasing hormone) ;
– fonction
gonadotrope de type prébubertaire : hypooestrogénie, baisse de FSH (follicle
stimulating hormone) et LH (luteinizing hormone) ;
– cortisolémie
augmentée, disparition du rythme circadien du cortisol ;
– taux basal de GH
(growth hormone) souvent augmenté.
L’absorptiométrie
osseuse montre une diminution de la densité minérale osseuse par ostéoporose
liée à la diminution de la formation osseuse et à l’augmentation de la
résorption, elles-mêmes secondaires à l’hypercortilosémie et à l’hypogonadisme.
5- Signes de
gravité :
Il faut tenir
compte de plusieurs signes :
– amaigrissement
supérieur à 30 % du poids ;
– bradycardie
inférieure à 40 par minute, troubles du rythme cardiaque liés à l’hypokaliémie,
hypotension artérielle (pression artérielle systolique < 9, pression
artérielle diastolique < 5) ;
– aphagie devenue
quasi totale avec chute pondérale rapide ;
– signes de
fatigabilité avec épuisement aux activités physiques ou scolaires ;
– ralentissement du
débit verbal ou idéique, troubles de la conscience ;
– hypothermie ;
– tout signe
évocateur d’une complication : douleurs rétrosternales ou abdominales chez une
personne vomissant, céphalées chez une personne potomane ;
– troubles
biologiques graves ;
– facteurs de
décompensation somatique : altitude > 1 500 m, effort intense, diarrhée,
infection intercurrente.
B - Formes
cliniques :
1-
Anorexie-boulimie :
Environ 50 % des
anorexies présentent des crises boulimiques et des vomissements, ce qui assoit
les liens entre anorexie et boulimie.
L’anorexie évolue
souvent vers la boulimie, comme si la conduite restrictive représentait une
lutte constante contre la faim et l’impulsion boulimique.
2- Forme du
garçon :
Rare (10 %) mais en
augmentation, sa clinique et son évolution sont similaires en dehors de
l’aménorrhée remplacée par la perte de la libido et de l’érection.
3- Forme
prépubère :
S’accompagnant d’un
retard de croissance et d’une perte de poids rapide, elle est marquée par une
proportion élevée de garçons, des antécédents de troubles des conduites
alimentaires dans l’enfance, de fréquents épisodes dépressifs, un pronostic
plus grave.
4- Formes
tardives :
Survenant après
l’adolescence, souvent lors du mariage ou de la naissance du premier enfant,
elles s’associent souvent à des éléments dépressifs.
Précédées de
périodes anorexiques méconnues à l’adolescence, elles tendent à devenir chroniques,
avec l’apparition de phobies et d’un vécu paranoïde.
C - Diagnostic
positif :
Le diagnostic ne
repose que sur l’anamnèse et l’examen clinique.
Les critères
diagnostiques retenus par le DSM IV (diagnostic and statistical manual) sont
les suivants :
– refus de
maintenir le poids au niveau ou au-dessus d’un poids minimum normal (< 85 %
du poids attendu) pour l’âge et la taille ;
– peur intense de
prendre du poids ou de devenir gros, alors que le poids est inférieur à la
normale ;
– altération de la
perception du poids ou de l’apparence corporelle, influence excessive du poids
ou de la forme corporelle sur l’estime de soi, déni de la gravité de la
maigreur ;
– aménorrhée chez
les femmes pubères (absence d’au moins 3 cycles menstruels consécutifs ou
règles ne survenant qu’après l’administration d’hormones).
D - Diagnostic
différentiel :
• Affections
somatiques : on peut discuter certaines maladies endocriniennes
(panhypopituitarisme et maladie d’Addison), les tumeurs du système nerveux
central (SNC), la maladie de Crohn, la tuberculose, un cancer devant une
anorexie avec amaigrissement, mais la présence de l’aménorrhée et les
caractéristiques du comportement alimentaire permettent le diagnostic.
• Affections
psychiatriques : délire d’empoisonnement avec restriction alimentaire d’une
psychose ou de la mélancolie délirante, phobies alimentaires.
E - Évolution et
pronostic :
La gravité
potentielle de l’anorexie mentale doit toujours être prise au sérieux.
On reconnaît un
tiers d’évolutions favorables, un tiers d’intermédiaires et un tiers de
défavorables.
Si le poids et les
conduites alimentaires se normalisent dans 80 % des cas et les règles
réapparaissent dans 70 % à 10 ans, l’état psychologique n’est jugé satisfaisant
que dans 50 % des cas et la mort survient entre 5 et 10 % (par dénutrition,
suicide, trouble biologique).
La guérison est un
processus lent, rarement inférieur à 4 ans (délai charnière bien souvent),
hormis pour des formes mineures réactionnelles.
Le retour des
règles semble de bon pronostic.
Les rechutes sont
fréquentes (environ 50 % des cas), pas forcément de mauvais pronostic,
notamment au début.
Le déni des
troubles constitue un facteur de mauvais pronostic, surtout après 4 ans.
Le risque de
chronicité est sérieux, avec cachexie, mise en danger vital et restriction de
la vie affective et sociale.
Divers troubles
psychiatriques peuvent survenir au cours ou dans les suites d’une anorexie
mentale [dépression dans 70 %, phobies invalidantes et troubles obsessionnels
compulsifs (TOC) dans 65 %].
Boulimie :
A - Clinique :
La boulimie
correspond à une consommation exagérée d’aliments, avec perte du contrôle des
prises, rapidement, sans rapport avec la sensation de faim.
La forme compulsive
normopondérale ou souvent à poids bas, évoluant par accès avec vomissements,
est caractéristique.
Il existe des
formes avec surpoids.
1- Accès
boulimique :
De début brutal
avec faim impérieuse, il se déroule d’un seul tenant.
L’ingurgitation
massive et rapide d’aliments tout venant ou choisis pour leurs caractères
caloriques ou bourratifs se fait sans discontinuité, en cachette et en dehors
des repas, souvent en fin de journée et après préparation de l’accès (achat de
nourriture), en réponse à un sentiment de solitude que la crise aggrave.
L’accès est suivi
de vomissements provoqués qui deviennent automatiques avec le temps, puis d’un
état de torpeur, voire de dépersonnalisation, avec douleurs abdominales et
sentiment de culpabilité.
Malgré la
conscience du trouble, ce malaise sera annulé et la conduite répétée.
La fréquence des
accès varie de 1 ou 2 par semaine à 15 accès quotidiens (état de mal
boulimique), par périodes avec intervalles libres.
Ce scénario type
connaît de nombreuses variantes.
2- Aspects
psychologiques :
La préoccupation
obsédante du poids et des formes, sans distorsion massive de la perception du
corps, n’entraîne pas chez la personne boulimique le renoncement et la maîtrise
de l’anorexique.
Les accès
s’accompagnent de pratiques alimentaires chaotiques, il n’y a plus de repas
mais une alternance de conduites automatisées associant restriction, purge et
gavage.
Dans 35 % des cas,
s’installent des périodes anorexiques.
La peur de grossir
est contrôlée par les vomissements provoqués, des mâchonnements interminables,
la prise de médicaments (laxatifs, diurétiques, anorexigènes) et
l’hyperactivité sportive.
Si l’accès apparaît
l’élément central, il n’est en fait que l’expression d’une désorganisation
globale des repères alimentaires et relationnels.
L’isolement
affectif est habituel.
Les relations
restreintes sont marquées par une revendication d’indépendance mais vécues dans
la dépendance.
La boulimie peut
s’associer à d’autres troubles impulsifs (boulimie d’achats et sexuelle, abus
d’alcool et de toxiques, kleptomanie, tentatives de suicide à répétition) et à
des éléments dépressifs.
3- Signes
somatiques :
Ils se traduisent
par :
– des troubles du
cycle menstruel (30 %), même en cas de poids normal (aménorrhée, dysménorrhées
et ménométrorragies) ;
– une hypertrophie
des parotides et des sous-maxillaires ;
– des lésions
bucco-dentaires, graves et peu réversibles (gingivites, stomatites, caries) ;
– des marques du
dos de la main liées aux manoeuvres « doigts dans la bouche » ;
– des oesophagites,
gastrites, reflux gastro-oesophagien et syndrome de Mallory-Weiss ; de façon
exceptionnelle des dilatations gastriques aiguës et ruptures
gastro-intestinales ;
– des troubles
métaboliques d’intensité variable, surtout alcalose hypochlorémique,
hypokaliémie, déshydratation extracellulaire, à l’origine de lipothymies,
asthénie, crampes et troubles du rythme cardiaque (hypokaliémie) ;
– de rares
pneumopathies d’inhalation ;
– des conséquences
des automédications : aggravation des troubles métaboliques, symptomatologie
digestive et osseuse de la maladie des laxatifs.
B - Diagnostic
positif :
Les principaux
critères diagnostiques de boulimie retenus par le DSM IV sont les suivants :
– survenue
récurrente de crises de boulimie (absorption en un temps limité de larges
quantités de nourriture avec sentiment de perte du contrôle du comportement
alimentaire pendant la crise) ;
– comportements
compensatoires visant à prévenir la prise de poids (vomissements provoqués,
laxatifs, diurétiques, jeûne, exercice physique excessif) ;
– crises de
boulimie et comportements compensatoires survenant au moins 2 fois par semaine
pendant 3 mois ;
– estime de soi
excessivement influencée par l’apparence corporelle et le poids ;
– trouble ne
survenant pas exclusivement pendant les périodes d’anorexie mentale.
C - Diagnostic
différentiel :
On discute, sans
difficulté, les fringales, le grignotage et l’hyperphagie sans accès boulimique
de certains sujets, notamment obèses, et les anomalies des conduites
alimentaires rencontrées en psychiatrie (schizophrénies, prise de
neuroleptiques) et en neurologie (séquelles de traumatismes crâniens,
oligophrénies, démences, tumeurs cérébrales, épilepsie temporale).
D - Évolution et
pronostic :
Peu d’informations
sont disponibles en raison de l’individualisation récente de ce syndrome
(Russel, 1979).
Cependant, une
tendance se dégage : évolution très chaotique avec alternance de périodes
pathologiques et de rémissions, chronicité dans environ un tiers des cas,
retentissement socio-affectif important.
Les facteurs
prédictifs positifs sont l’intensité moindre du caractère compulsif et de la
perturbation de l’image du corps, la persistance d’un environnement étayant.
Les décompensations
dépressives et les antécédents d’alcoolisme, de tentatives de suicide sont
péjoratifs.
Facteurs
étiopathogéniques :
Les facteurs
psychopathologiques prévalent mais ne sont pas exclusifs.
A -
Psychopathologie individuelle :
1- Approche
psychanalytique :
Deux grandes
conceptions psychodynamiques se complètent.
La 1re hypothèse
est centrée sur le conflit pulsionnel au sein du sujet : l’évitement de la
sexualité génitale s’accompagne d’un déplacement des représentations génitales
sur la sphère orale, les conduites alimentaires se trouvant érotisées et
conflictualisées (manger est l’objet d’un puissant désir contrarié).
Les relations
antérieures au stade génital sont réactivées.
Les fixations
anales expliquent les rites alimentaires, les pensées obsédantes et les
vérifications, le surinvestissement de la maîtrise, de l’intellectualisation et
de l’activité musculaire.
Sont rattachées à
l’oralité l’inhibition de l’incorporation, les relations en tout ou rien et
l’insatiabilité.
Les vomissements
renvoient à la fois à des aspects oraux et anaux.
La seconde
hypothèse est centrée sur les failles narcissiques de la personnalité et la
fragilité identitaire.
La compréhension
est axée non plus sur le conflit pulsionnel intrapsychique mais sur les
conduites adoptées en réponse au traumatisme pubertaire.
La puberté
nécessite une adaptation profonde du sujet qui doit accepter son corps
transformé, se détacher des figures parentales et choisir de nouveaux objets
d’amour.
Ce travail
psychique amène théraamène l’adolescent à un mouvement paradoxal : à la fois
une attirance nécessaire pour les nouveaux objets désirés, et une régression
dite narcissique sur les objets internalisés pendant l’enfance, qui constituent
la base de la personnalité et une sécurité pour l’adolescent en train de
changer d’objets d’investissement.
Quand les objets
internalisés ne sont pas sécurisants, l’adolescent ne peut effectuer de façon
heureuse ce travail psychique : la régression ne rencontre aucune butée solide,
l’adolescent se cramponne alors aux objets sécurisants externes (les parents)
et aux sensations procurées par des néoobjets (nourriture, toxiques) les
remplaçant et mettant en jeu le corps.
La dépendance
devient un cercle vicieux : le comportement se mécanise et se renforce,
l’activité fantasmatique disparaît.
Les troubles des
conduites alimentaires sont ainsi rattachés aux troubles dits addictifs,
conduites autodestructrices symptomatiques d’une problématique de dépendance
mettant en jeu des agirs corporels qui se répètent en lieu et place de la
mentalisation du processus de séparation propre à l’adolescence.
2- Approche
cognitivo-comportementale :
Cette conception se
base sur la contre-régulation alimentaire (suite à un repas riche s’ensuit un
repas riche dans la boulimie, et inversement pour l’anorexie) qui reposerait
sur des facteurs cognitifs et expliquerait les cycles répétitifs de séquences
cognitives pathogènes de restriction ou d’accès boulimiques.
B -
Psychopathologie familiale :
Les facteurs
psychopathologiques individuels agissent en interaction avec les facteurs
familiaux qui ont un rôle essentiel dans la genèse des troubles.
1- Approche
psychanalytique :
Elle insiste sur
l’organisation de la personnalité en fonction de celle des parents pendant la
petite enfance.
Les mères,
dominantes dans le couple, présenteraient souvent des manifestations
dépressives lors de l’enfance de la future anorexique, d’où un étayage affectif
précoce insuffisant et le rôle consolateur de l’enfant qui est décrit comme
calme, ne s’opposant jamais, se conformant aux désirs parentaux.
Elles refouleraient
la sphère affective, privilégiant les performances sociales de l’enfant.
L’enfant et sa mère
vivent dans une dépendance mutuelle installée dès l’enfance.
Les pères sont
décrits comme effacés, encore plus en difficulté que les mères.
Fréquemment
déprimés dans les mois précédant la survenue des troubles, ils présentent des
problèmes d’identité car dominent chez eux les identifications féminines d’où leur
caractère maternant et séducteur, ainsi que leur grande difficulté à occuper la
place de tiers structurant dans le conflit oedipien réactivé à l’adolescence
(position dite contre-oedipienne).
Le fonctionnement
familial est marqué par un repli face au monde extérieur et l’évitement des
conflits internes. L’impulsivité caractérise les familles de boulimiques.
2- Approche
systémique :
Elle ne cherche pas
à relier les troubles à l’histoire familiale mais vise à élucider les modalités
actuelles de communication et d’organisation de la famille.
Le malade désigné
traduit une modalité particulière d’interaction familiale.
Ainsi, pour éviter
un conflit de couple insurmontable, les parents transforment leur difficulté en
problème d’un de leurs enfants.
Le dysfonctionnement
familial est marqué par un enchevêtrement des liens et une absence d’autonomie
de chaque membre, des comportements de surprotection et une intolérance à tout
conflit.
La communication
est souvent paradoxale et objet de ruptures.
C - Facteurs
biologiques :
Plusieurs systèmes
de neuromédiateurs sont impliqués dans les troubles des conduites alimentaires.
La voie
sérotoninergique régule l’alimentation au niveau hypothalamique, avec un rôle
sur le pondérostat, la régulation de la satiété, la baisse des prises
caloriques et glucidiques.
L’hypothèse
hyposérotoninergique est avancée pour la boulimie.
La voie dite du
plaisir concerne les troubles des conduites alimentaires, surtout l’anorexie,
par l’intermédiaire d’une stimulation dopaminergique mésolimbique du circuit de
récompense qui fait intervenir les opioïdes endogènes.
D - Facteurs
socioculturels :
Ils renforcent les
facteurs psychopathologiques.
Notre société
valorise actuellement la maîtrise du corps (idéal de minceur) et le côté «
battant », donc les performances scolaires et sportives au détriment des
échanges affectifs.
Les troubles des
conduites alimentaires sont plus fréquents dans les classes moyennes et
supérieures et dans les activités sportives insistant sur la minceur (danse,
marathon, gymnastique).
Modalités
thérapeutiques :
A - Objectifs et
principes du traitement :
Le traitement vise
la rupture du cercle vicieux de dépendance, la disparition de la conduite
symptomatique et un remaniement de la personnalité et des rapports familiaux
permettant la prise d’autonomie psychique et concrète du patient.
Le soin ne se conçoit
que dans la durée (plusieurs années), aux doubles niveaux somatique et
psychologique.
Il n’existe pas de
solution thérapeutique univoque et immédiate.
L’adhésion aux
soins par la patiente et sa famille est parfois longue en raison du déni des
troubles.
Aux mesures prises
en urgence, on préfère la recherche d’une alliance thérapeutique et
l’élaboration du cadre de soin le plus adapté.
C’est souvent le
médecin de première ligne (généraliste, interniste) qui met en place un premier
cadre thérapeutique.
Ce cadre comporte
des consultations médicales régulières (surveillance nutritionnelle et des
fonctions vitales, évaluation de la situation familiale, soutien à une démarche
psychothérapique et aux parents), des conseils nutritionnels (par le médecin ou
une diététicienne, dans un esprit non rationalisant), un soutien
psychothérapique individuel (ou familial initial en cas d’un déni massif chez
la patiente de ses troubles) qui permet progressivement une prise de conscience
des difficultés émotionnelles, surtout quand l’état somatique s’aggrave et
l’isolement socio-familial s’accroît.
Ce cadre initial
assurant précocement une prise en charge bifocale (médicale et psychologique)
permet le soin de nombreuses anorexiques ou boulimiques en ambulatoire strict.
Parfois, malgré ce
cadre ou parce que la situation est dépassée, le recours à une équipe
psychiatrique s’avère nécessaire.
Un principe
fondamental du soin hospitalier est la diversité des intervenants et des
approches.
Les prises en
charge bi- ou plurifocales sont en effet indiquées pour ne pas recréer un lien
de dépendance exclusif dangereux pour le patient.
Les approches
diversifiées permettent des investissements variés qui prennent en compte à la
fois le corps et le psychisme.
Ces mesures
comprennent des approches somatiques, psychothérapiques,
cognitivocomportementales et sociales (lieu de vie en relais du domicile
parental).
Faisant intervenir
plusieurs soignants, elles nécessitent une personne référante qui assure leur
cohérence et passe le contrat thérapeutique avec la patiente et sa famille.
Après évaluation de
l’état somatique et psychosocial, des objectifs thérapeutiques larges sont
déterminés et consignés dans le contrat.
Ce contrat repose
sur des engagements mutuels : au patient de suivre les objectifs et conditions
fixés, aux soignants d’être garants de la continuité de l’espace de soin.
Le contrat fixe le
cadre de soins (mesures adoptées, séparation d’avec la famille si c’est un
temps plein), des objectifs somatiques (niveau de reprise de poids en cas
d’anorexie) mais aussi psychologiques (réflexion sur le sens du symptôme et la
place dans la famille).
Le contrat est fixé
pour une période donnée et reconsidéré en fonction de l’évolution.
Le contrat occupe
une fonction de tiers entre les soignants et le patient, il détermine un cadre
de réassurance pour l’adolescent submergé par ces difficultés, surtout il
constitue une butée qui permet une remise en route de la mentalisation.
Les patients se
rebellent ainsi fréquemment contre les mesures et objectifs fixés et vivent
enfin des conflits structurants qu’ils n’ont jamais pu expérimenter.
Ce cadre de soin
plurifocal est mis en place soit au cours d’une hospitalisation temps plein
(laquelle n’est pas systématique), soit en hôpital de jour (plusieurs journées
par semaine) ou en ambulatoire (prises en charge ponctuelles dans la semaine).
B - Recours à
l’équipe hospitalière : hospitalisation ou traitement ambulatoire
L’hospitalisation
temps plein est indiquée en cas de risque somatique vital, surtout en cas
d’anorexies.
Elle a lieu en
milieu médical, voire en réanimation, mais aussi au sein d’unités
psychiatriques spécialisées.
La réalimentation
peut être une urgence (nutrition entérale temporaire parfois nécessaire).
Un suivi
psychologique est engagé même à ce stade pour éviter la seule reprise
artificielle du poids.
Le temps plein sera
ailleurs contractuel en réponse au retentissement physique grave d’une anorexie
ou à la déstructuration massive d’une boulimie (accès fréquents, désarroi
familial, dépression sévère).
Outre la dimension
de sevrage (du jeûne, des accès), elle permet une restauration corporelle et
narcissique.
La séparation
familiale qu’elle implique vise à travailler le processus d’individuation.
Les modalités de
séparation changent actuellement : séparation moins longue et partielle,
prédilection pour la thérapie familiale.
Les situations
moins graves d’anorexie et la majorité des boulimies relèvent de mesures
institutionnelles séquentielles (hôpital de jour et traitement ambulatoire
hospitalier, parfois intensif).
En plein
développement actuellement, elles prennent souvent le relais de
l’hospitalisation temps plein ou parfois la préparent (en cas de déni massif).
C - Mesures
thérapeutiques diversifiées :
Les mesures
alimentaires comprennent une renutrition par palier, avec fractionnement et
accompagnement des repas puis diversification progressive des aliments en cas
d’anorexie, un recadrage des quantités et des rythmes pour les boulimiques.
L’abord
cognitivo-comportemental associe le travail sur les croyances alimentaires
irrationnelles, les informations nutritionnelles (surtout pour la boulimie) et
des stratégies de contrôle du poids et de l’alimentation (à l’aide de cahiers
alimentaires).
Les troubles de
l’image du corps sont abordés grâce au miroir et à la vidéo.
Les techniques de
déconditionnement et d’exposition (aux aliments exclus) peuvent être utilisées.
La psychothérapie
peut être de soutien, le plus souvent d’inspiration psychanalytique.
Elle est utilement
préparée par des approches corporelles et de groupe (activités créatrices,
psychodrame), moins dangereuses que la relation duelle.
Les thérapies
corporelles utilisent la relaxation, les massages ou bains.
Les activités de
groupe permettent aux patients de retrouver du plaisir à leur insu et
d’expérimenter, sans menace personnelle, une relance émotionnelle en s’appuyant
sur le groupe.
Le travail
thérapeutique avec la famille est important pour renforcer l’alliance et
soutenir le processus de séparation-individuation.
Il utilise les
thérapies analytiques ou systémiques, ou des groupes de parents.
La place des
psychotropes est limitée car sans efficacité directe sur les troubles des
conduites alimentaires.
On les utilise en
appoint : anxiolytiques et neuroleptiques sédatifs à dose filée en cas de
débordement anxieux dans l’anorexie mais mal tolérés en raison du faible poids,
antidépresseurs sérotoninergiques (type paroxétine, Deroxat) en cas de boulimie
avec dépression sévère mais nombreux effets secondaires (digestifs).
Le suivi somatique
doit être régulier.
Les traitements
hormonaux sont fonction du bilan ostéodensimétrique (supplémentation en calcium
de 1 g/j associée à la vitamine D, oestrogènes substitutifs).
Crise
d’angoisse aiguë
Diagnostic :
Clinique des
crises d’angoisse :
La crise d’angoisse
aiguë, aussi appelée aujourd’hui attaque de panique, correspond à la survenue
brutale d’une sensation de peur intense qui s’accompagne de symptômes psychiques,
physiologiques et comportementaux.
Le nombre et
l’intensité de ces symptômes peuvent varier d’un patient à l’autre et d’une
crise à l’autre.
1- Symptômes
psychiques :
Les symptômes
psychiques sont les émotions, les perceptions et les pensées qui accompagnent
la peur.
Ils peuvent aller
d’une sensation de malaise vague et mal défini, à une impression violente de
dépersonnalisation (altération du sentiment d’identité) ou de déréalisation
(modification imprécise de la perception de l’environnement).
Des symptômes
psychosensoriels (augmentation de la sensibilité au bruit, flou visuel,
impression de « déjà vu », etc.) peuvent être rapportés, et doivent être
distingués d’hallucinations vraies et de crises d’épilepsie temporale.
L’humeur anxieuse
(appréhension, impression de catastrophe imminente, d’anéantissement)
s’accompagne d’une incapacité partielle à penser, à rassembler ses idées, à se
concentrer sur une tâche, et à retrouver des souvenirs.
L’esprit est
assiégé par des pensées catastrophiques : peur de s’évanouir, d’étouffer,
d’avoir un accident cardiaque, et surtout de perdre le contrôle de soi
(impression de devenir fou) ou de mourir.
2-
Manifestations somatiques :
Elles sont très
polymorphes, les plus fréquentes concernent la respiration (polypnée, dyspnée,
sensation d’étouffement ou de blocage respiratoire) et le rythme cardiaque
(palpitations, tachycardie), à côté de symptômes généraux : étourdissement,
vertiges, sensation de dérobement des jambes, sueurs, bouffées de chaleur ou
frissons, tremblements, secousses musculaires, douleurs ou gênes thoraciques ou
abdominales, nausées, vomissement, diarrhée, impériosité mictionnelle,
paresthésies.
Certains signes
peuvent être objectivés à l’examen clinique, comme une élévation de la tension
artérielle systolo-diastolique, ainsi qu’une discrète augmentation de la
température corporelle.
3-
Manifestations comportementales :
Elles peuvent être
aussi très variables : agitation désordonnée, fuite immédiate d’un lieu
considéré comme anxiogène vers une « zone de sécurité », ou au contraire
inhibition comportementale plus ou moins marquée, jusqu’à la sidération totale.
À la différence des
crises conversives d’agitation hystérique, les crises d’angoisse s’accompagnent
peu de manifestations spectaculaires et théâtrales, les sujets anxieux ayant le
plus souvent tendance à dissimuler autant que possible leur gêne aux yeux des
autres.
4- Évolution de
la crise :
L’évolution de
chaque crise d’angoisse dépend de son origine et du contexte dans lequel elle
survient.
Typiquement, le
début de la crise est brutal, parfois précédé par une « aura » de quelques
minutes pendant laquelle l’anxiété et le malaise montent progressivement, et
les symptômes atteignent leur maximum très rapidement, en quelques secondes ou
quelques minutes.
La phase d’état est
de durée variable, en moyenne de 10 à 30 min.
Pendant cette
période, la crise a tendance à s’autoentretenir, voire à s’aggraver, par
l’interaction des différents symptômes entre eux : l’anxiété psychique augmente
les symptômes somatiques, notamment cardiovasculaires et respiratoires, qui
eux-mêmes augmentent l’anxiété et notamment les pensées catastrophiques.
La fin de la crise
survient soit spontanément, soit sous l’effet d’une intervention thérapeutique.
L’intensité des symptômes
va ensuite décroître progressivement, laissant place à une sensation de
soulagement souvent associée à une fatigue intense.
Diagnostic
étiologique :
1- Crises
d’angoisse spontanées :
Certains sujets ont
des crises totalement imprévisibles, sans facteurs déclenchants. Ces crises
inaugurent souvent une pathologie anxieuse dénommée « trouble panique ».
Au cours du trouble
panique, les crises spontanées se répètent à une fréquence variable (de
plusieurs par mois à plusieurs par jour) et vont être à l’origine d’une anxiété
quasi permanente, le sujet appréhendant continuellement la survenue d’une
nouvelle attaque de panique. Cette « peur d’avoir peur » est dénommée anxiété
anticipatoire.
Elle s’accompagne
souvent d’un évitement des situations dans lesquelles le sujet se sent
particulièrement vulnérable, dont il ne peut s’échapper facilement ou dans
lesquelles il ne peut être aidé en cas de crise (éloignement du domicile,
foule, transports en commun, grands espaces, etc.).
Il s’agit alors
d’un trouble panique associé à une agoraphobie. Dans certains cas cependant,
une crise spontanée peut rester isolée et ne pas rentrer dans le cadre d’un
trouble panique.
2- Crises
d’angoisse déclenchées par une situation :
Des situations
extrêmes de la vie peuvent déclencher des réactions d’angoisse chez des sujets
indemnes de pathologie préalable : accident, agression, annonce d’une mauvaise
nouvelle, imminence d’un événement important, etc.
Certains sujets,
souffrant de troubles anxieux, ont en revanche une vulnérabilité très
particulière à des situations spécifiques, à l’origine de crises d’angoisse
prévisibles.
Les sujets
phobiques (phobies spécifiques, phobies sociales) peuvent ainsi avoir de
véritables attaques de panique lorsqu’ils sont « exposés » à un objet phobogène
(animal, objet, lieu, situation sociale, etc.).
Les sujets
souffrant de syndrome de stress post-traumatique peuvent également présenter
des crises d’angoisse dans des circonstances qui leur rappellent l’événement
traumatisant antérieur.
3- Crises d’angoisse
au cours d’autres pathologies psychiatriques :
La plupart des
troubles psychiatriques peuvent être à l’origine d’états anxieux aigus, dont
les caractéristiques peuvent se rapprocher plus ou moins de la crise typique
décrite ci-dessus.
Il s’agit notamment
des troubles dépressifs, qui peuvent s’accompagner de crises d’angoisse aiguës
comme d’états anxieux intenses mais beaucoup plus durables (plusieurs heures
voire toute la journée), et des troubles psychotiques. L’angoisse associée aux
troubles psychotiques peut être de nature très variable, primaire (angoisse
psychotique dans la schizophrénie) ou secondaire aux autres symptômes (délire,
hallucinations, etc.).
Les crises
d’angoisse sont également de survenue fréquente dans les pathologies alcooliques
et les autres dépendances, avec de nombreuses étiologies possibles
(intoxication, sevrage, troubles anxieux, dépressifs, ou organiques associés,
etc.).
4- Crises
d’angoisse induites par une substance :
De nombreuses
substances sont susceptibles d’induire à elles seules des crises d’angoisse
aiguës, et leur recherche doit être systématique en cas de contexte évocateur :
alcool, cannabis, cocaïne, hallucinogènes (LSD), amphétamines, solvants
volatifs, théophylline, phencyclidine, produits anticholinergiques, dérivés
nitrés, préparations thyroïdiennes, corticostéroïdes, oxyde et dioxyde de
carbone.
Des crises peuvent
être également induites par le sevrage de certaines substances : alcool,
opiacées, benzodiazépines, certains antihypertenseurs.
5- Crises d’angoisse
secondaires à un trouble organique :
Il peut s’agir d’un
diagnostic différentiel, mais certains troubles somatiques favorisent par
ailleurs l’émergence d’une symptomatologie anxieuse aiguë, qu’il faut alors
traiter comme telle en plus de la pathologie organique : crises d’angor, crises
d’asthme, épilepsie partielle ou encore crises sensorielles.
Diagnostic
différentiel :
De nombreuses
pathologies somatiques peuvent comporter des symptômes anxieux, parfois au
premier plan, ou mimer les symptômes habituels de l’anxiété aiguë :
cardiovasculaires (angor, infarctus, poussée d’insuffisance cardiaque,
hypertension artérielle, troubles du rythme) ; pulmonaires (asthme, embolie
pulmonaire) ; neurologiques (épilepsie, notamment les crises temporales, crises
migraineuses, maladie de Ménière, accidents ischémiques transitoires) ;
endocriniennes (hypoglycémie, phéochromocytome, hyperthryroïdie, syndrome de
Cushing, hypoparathyroïdie) ; autres (hémorragies internes, pancréatite,
porphyrie, vertiges labyrinthiques, réactions anaphylactiques).
Formes cliniques
:
L’expression de
certaines crises d’angoisse peut dépendre d’un contexte culturel ou religieux
particulier.
C’est le cas de
certains états de « transes » qui empruntent une symptomatologie très
spectaculaire, mais qui peuvent correspondre à une expression de l’angoisse
dans certaines cultures.
D’autres crises ont
aussi un caractère très stéréotypé, avec une prédominance de symptômes
physiques parfois totalement isolés, déterminé également par le contexte
culturel.
Les crises dites de
« spasmophilie » par exemple, presque uniquement décrites en France, comportent
une hypertonie tétaniforme et des paresthésies.
Ces signes sont
toujours en rapport avec une hyperventilation ou avec d’autres modifications
respiratoires affectant les échanges gazeux, et donc transitoirement la
fixation calcique sur les plaques motrices. Ils ne sont cependant jamais liés à
une quelconque anomalie métabolique, et ne justifient en aucun cas en eux-mêmes
la réalisation d’examens complémentaires ni la prescription aiguë ou chronique
de calcium, de magnésium ou de vitamine D.
Il existe enfin des
crises dites paucisymptomatiques, dont le diagnostic peut être difficile en
raison de la présence de signes peu nombreux et essentiellement somatiques
(crises vertigineuses, douleurs abdominales, palpitations, etc.).
Les patients
consultent alors souvent en première intention en neurologie, ORL, gastro-entérologie.
Conduite à tenir
:
1- Évaluation :
L’examen somatique
dans l’urgence est à adapter à la situation et aux premiers signes
d’orientation, pouvant se limiter à une auscultation et à une prise de tension
artérielle mais pouvant aller jusqu’à la réalisation d’examens complémentaires
en urgence : électrocardiogramme, examens sanguins, biologiques et recherche de
toxiques au moindre doute.
Au plan
psychopathologique, il est surtout important de recueillir le plus
d’informations possibles sur les antécédents du patient et les circonstances de
la crise, avec la contribution éventuelle de l’entourage. Une écoute attentive
du discours du patient est naturellement indispensable, même sur une période
courte, pour orienter le diagnostic étiologique.
2- Mesures
générales :
Dans la plupart des
cas, l’éloignement des facteurs anxiogènes extérieurs et la présence rassurante
d’un professionnel permettent très rapidement de réduire l’intensité de la
crise ou de la faire cesser.
Si l’examen est en
faveur de l’existence d’une pathologie organique associée à l’angoisse, il faut
le préciser au patient et le prévenir des éventuels traitements et examens
complémentaires prescrits.
Dans le cas
contraire, il est aussi important de le signaler au patient, sans conclure à
l’absence de pathologie mais en pointant l’origine psychologique de son état,
permettant d’attribuer à l’anxiété les symptômes physiques observés.
Lui rappeler que la
crise va naturellement céder et qu’en aucun cas sa vie n’est en danger est
souvent indispensable.
Des méthodes
simples permettent également de réduire les symptômes psychiques et physiques :
défocaliser l’attention du patient des menaces externes ou de sensations
internes anxiogènes, orienter cette attention vers un essai de détente d’une
partie du corps comme les muscles du bras ou des épaules, et surtout modifier
le rythme respiratoire.
Celui-ci doit être
le plus lent et le plus « superficiel » possible, bouche fermée et en s’aidant
d’une respiration abdominale plutôt que thoracique.
Les respirations
amples et l’hyperventilation favorisent en effet l’hypocapnie responsable de
nombre de symptômes somatiques. Ces mesures permettent dans la très grande
majorité des cas d’obtenir une interruption de la crise.
Il faut ensuite
expliquer au patient ce qu’il vient de vivre, compléter éventuellement l’examen
somatique, et approfondir l’évaluation psychopathologique.
En fonction de
celle-ci, le patient sera orienté vers son médecin traitant ou vers un
spécialiste en fonction de l’étiologie (traitement préventif dans un trouble
panique par exemple).
La prescription
médicamenteuse au cours de la crise d’angoisse elle-même doit être limitée
autant que possible.
Le patient ne doit
pas en effet conserver en mémoire une issue uniquement « médicalisée » de sa
crise, en évitant tous les actes les plus symboliques et les plus techniques
(perfusions, injections).
C’est ainsi qu’un
meilleur contrôle du sujet sur son anxiété pourra être obtenu, dans la
perspective d’éventuelles récidives, évitant de le rendre dépendant des
structures de soin les plus lourdes.
3- Traitement
médicamenteux :
Il ne s’impose que
lorsque la crise se prolonge malgré les méthodes énoncées ci-dessus, par
exemple au-delà d’une demi-heure, ou que les symptômes sont très intenses (agitation
psychomotrice très importante).
La voie orale est à
privilégier, car elle assure les meilleures biodisponibilitée et rapidité
d’action pour les produits anxiolytiques, et elle permet de limiter le
caractère technique de l’acte.
Si une administration
médicamenteuse est indiquée, il faut choisir un produit et une dose réellement
actifs et anxiolytiques et proscrire tout placebo ou produit apparenté, qui
pourrait être efficace mais sans permettre au patient d’accéder à une
compréhension et à une maîtrise du phénomène.
Les médicaments
disponibles dans le traitement aigu de l’anxiété sont essentiellement des
benzodiazépines : diazépam (Valium), 1 comprimé à 5 ou 10 mg ; alprazolam
(Xanax), 1 comprimé à 0,25 ou 0,50 mg ; clorazépate dipotassique (Tranxène), 1
ou 2 gélules à 10 mg.
L’effet
anxiolytique, s’accompagnant éventuellement d’un effet sédatif (en fonction de
la dose et de la sensibilité du sujet), est obtenu en 15 à 30 min environ.
La surveillance
concerne essentiellement la vigilance et la fonction respiratoire, surtout en
cas de prise récente d’alcool ou d’autres toxiques, opiacés notamment.
La voie
intramusculaire est à réserver aux cas exceptionnels où la voie orale n’est pas
accessible (agitation majeure, contracture de la mâchoire, troubles de la
déglutition), avec par exemple : diazépam (Valium), 1 ampoule à 10 mg ;
clorazépate dipotassique (Tranxène), 1 ampoule à 20 mg.
La voie
intraveineuse ne doit pas être utilisée dans les crises d’angoisse aiguë.
4- Cas
particulier des états psychotiques :
Les crises d’angoisse
aiguës survenant au cours d'un trouble psychotique (schizophrénie, bouffée
délirante aiguë, mélancolie délirante) peuvent faire l’objet d’une prescription
médicamenteuse plus rapide.
Le recours aux
benzodiazépines est possible, mais les neuroleptiques sédatifs (phénothiazines
surtout) per os ou en intramusculaire ont un effet plus spécifique et plus
puissant : chlorpromazine (Largactil), 1 ou 2 comprimés à 25 mg, ou 1 ou 2
ampoules à 25 mg en intramusculaire ; cyamémazine (Tercian), 1 ou 2 comprimés à
25 mg, ou une ampoule à 50 mg en intramusculaire.
L’effet apparaît
également en 15 à 30 min, et la surveillance concerne surtout la vigilance, la
tension artérielle, d’éventuels effets neurologiques comme des dyskinésies
aiguës, et la température (syndrome malin).
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